I bet my life for you - Sashou

Oui, elle n'a pas tort sur certains points. Mais il existe tellement de types de courages, tous différents les uns des autres, et… et pour moi, avoir suivi mon amie en mission dans un engin infernal et l'avoir protégé lors du crash du-dit engin ne demande pas de courage. Pour moi, c'était quelque chose de naturel et facile. Quelque chose d'aussi simple que se resservir du ragoût, dormir, ou dessiner.
Mais lorsqu'il s'agit de choses aussi énormes que changer sa nature profonde… je ne peux pas. C'est purement terrifiant.

-D'accord, je ne suis pas entièrement lâche. je cède finalement, parce qu'elle n'a pas tort, vraiment.

Je ris doucement avant de grimacer de douleur. Aie. Mes côtes. Mauvais plan.

Je sors le lapin réchauffé du feu en prenant garde à ne pas me brûler avec le jus et la graisse et lui tends sa part. J'espère qu'on va trouver autre chose que du lapin et quelques végétaux, parce que sinon on risque de finir bien, bien malades. Oh mon dieu, je rêve de patates, de carottes, d'oignons, d'ail et de sauce tomates pour aller avec le gibier. Peut être qu'on dénichera des racines quelque part. Mmh tant que ce ne sont pas des carottes sauvages justement… j'aurais trop peur que nous nous trompions et que nous nous intoxiquions sévèrement. Dans le meilleur des cas…

Je secoue la tête. Elle n'a pas besoin de me remettre de l'onguent puisque j'en ai probablement encore sous mes bandages.

-J'ai pas osé retirer les bandes. Mais ravi que tu aies remarqué que je sens moins mauvais. je réplique, amusé.

Je souris malicieusement. J'aurais bien ri, mais je n'ai pas très envie de me faire encore plus mal.

-Non merci... Je n'arrive pas encore à manger... Ça devrait aller mieux d'ici demain. Mange.

Et avant qu’elle ne s’alarme encore plus, j’ajoute un peu précipitamment:

-Je bois, par contre.

Même lorsque je n'ai pas soif. Pour ne pas risquer de me déshydrater.

-Des petites gorgées par ci par là pour ne pas vomir. Il faut croire que ma crise m'a secoué.

Comme toutes les dernières que j'ai pu faire. C'est de pire en pire, depuis quelques temps.
N'ayant rien de mieux à faire, je m'allonge sur le dos, les mains croisées sous la nuque. Je laisse mon regard épouser les ombres qui dansent sur le plafond de pierre. Cela a quelque chose d'hypnosant, de reposant aussi. Comme si ces formes ondulantes avaient quelque chose de familier, qui rappelle un peu la maison.

Je passe tendrement et protectivement un bras autour d'elle. Sans la serrer contre moi, je me coule dans ce contact qui me rappelle encore plus la maison que la danse des ombres et des lumières. J'y puise un réconfort que je ne soupçonnais pas. C'est quelque chose de si naturel, si routinier que nous nous reposions ou que nous dormions l'un contre l'autre… Je crois bien que la seule période où nous étions ensemble -j'entends par là, dans la même pièce- mais où nous n'avons pas dormi collé l'un à l'autre, c'est après notre horrible mission dans la mine. L'un comme l'autre étions si éprouvé par les pouvoirs de la bérane que le contact humain nous revulsait purement et simplement.
Je tourne la tête et pose un regard tendre sur elle.

-Non, repose-toi, tu en as vraiment besoin. je murmure doucement.

Elle sombre rapidement, et moi, je lutte pour rester éveillé. Mais l'épuisement me rattrape malgré tout et je somnole par intermittence, enroulé autour de Sasha. J'oscille entre rêves étranges et sans aucun sens, veille et repos. Je n'émerge réellement que le lendemain à l'aube, enfin reposé, mais je ne bouge pas pour ne pas risquer de la réveiller.