There are nights when the wolves are silent and only the moon howls - Tristan, Alva, Sasha

Le choix des montures ne prit pas de temps, Huckleberry choisit de lui-même Ashes, laissant de fait la jument plus docile à son ami. Soit Ashton était piètre cavalier soit il souhaitait prouver que malgré les effets de la drogue, il se sentait toujours apte à tenir un cheval plus énergique. Ashes n’était pas non plus une monture intenable, c’était un petit hongre pur sang arabe aux allures dynamique que Tristan et Alva avaient ramené du désert après leur cavalcade éperdue pour sauver Blanche des mains d’un Émir aux grandes ambitions. Alva esquissa un léger sourire à la remarque du jeune homme.
« Oui, c”est elle, elle travaille régulièrement, comme tous nos chevaux. » répondit la louve.
Même si Sunlight ne faisait pas à proprement parler du cheptel de l’élevage de Alva, elle comme son père veillaient au bien-être de toutes leurs montures et la jument travaillait régulièrement avec eux ou avec les palefreniers du domaine. La jument avait maintenant une vraie vie. Elle leur montra rapidement le contenu des fontes puis laissa les deux amis se préparer pour la chasse alors qu’elle même revêtait un peu plus loin sa fourrure neigeuse.

Le grand loup argenté ne tarda pas à se porter à sa hauteur pour un moment d’affection tout lupin, et si ce n’était pas habituel qu’ils montrent leur affection à d’autres yeux, c’était tout à fait mesuré comparé aux jeux presque enfantins auxquels les deux loups pouvaient se donner en privé. Elle lui rendit son accolade d’une pression de la truffe et d’un autre coup de langue sur les babines.
Alva le suivit jusqu’à Aïsha et dès que le top fut donné pour la chasse, elle bondit en attrapant l’oreille de son père avant de s’élancer d’un bloc longues foulées dans le bois. Les premiers métres étaient toujours l’occasion d’une course folle où Alva aimait à sentir le vent et le frisson de la vitesse dans son pelage épais. Cette sensation de liberté absolue, loin des carcans sociaux, loin des limites des hommes, était l’un des moments favoris de la louve, ce pourquoi la douleur de la transformation valait la peine d’être endurée et ce pourquoi elle devenait supportable avec le temps.

Parmi les diverses odeurs qui s’offraient à leurs flairs et que Huck devait percevoir comme jamais il n’en avait eu l’occasion, sans doute aurait il encore du mal à les différencier toutes, à isoler celle qu’ils choisiraient de suivre... Tout ceci faisait aussi partie d’un apprentissage et chaque loup s’appropriait ses sens à sa manière. Alva, elle, imaginait les odeurs comme des filaments colorés, donnant à chaque parfum une couleur propre qui lui permettait de l’isoler et de suivre son chemin au milieu d’un bois ou d’une foule. D’autres les visualisaient autrement, d’autres encore ne passaient pas par une image mentale... chacun avait sa façon d’appréhender le monde au travers de ces sens plus aiguisés.

Tristan choisi la piste du cerf, un choix à la hauteur de l'événement et les loups ralentirent l’allure, tout en modifiant leurs trajectoires en tenant compte du vent et du déplacement de l’animal. Il ne tarda pas à être en vue. L’alpha indiqua par quelques regards et mouvements la stratégie qui allait se mettre en place pour encercler l’animal et il leur offrit même quelques secondes afin de voir s’ils souhaitaient tirer les premier, mais si Ashton tenait son fusil en bandoulière, il ne fit aucun geste pour entrer dans la chasse et Monsieur Finn paraissait préférer d’attendre de voir les loups en mouvements. Soit... la louve ne voulait pas perdre plus de temps et n’attendait qu’un mot de son père pour entrer dans le vif du sujet. Pister, contourner, surprendre, sentir la peur de la proie aiguiser son instinct, ces bulles d’hormones éclater dans ses narines et sur sa langue... et celà ne manqua pas.

Dès que le cerf perçu la menace, son adrénaline monta d’un cran tout comme sa sécrétion de cortisol donnant à son odeur un fumet particulièrement alléchant qui fit saliver Alva. Ses babines se retroussèrent et dès que son père fut en place, la course commença. Les deux loups harcelaient le cerf, n’hésitant pas à planter griffes et crocs dans les flancs de l’animal, tâchant leurs pelage du chaud carmin s'ourdant du corps palpitant de l’animal piégé dans sa frénésie de fuite qui ne rendait les loups que plus tenace.

Les humains à cheval pouvaient galoper sans soucis pour ne pas être distancés et participer à fatiguer la proie avec leurs armes à feu. Voyant la trajectoire du cerf s’infléchir, Alva pressa le pas et modifia l’angle de sa course pour gagner du terrain sur lui et lui couper la route. Acculé, le cerf fit le choix de l’honneur et fit volte face, les cerfs baissés vers Tristan, grattant le sol de son sabot. Et le loup, tourna la tête vers Huck, comme pour lui signifier qu’il avait l’honneur de tenter sa chance. Chance qu’un alpha offre volontiers pour honorer un membre de sa meute, d’habitude les alpha maintiennent la proie avec leur crocs, pendant que le second met fin à la vie. Ou bien il prend en charge la mise à mort vu comme un cadeau et un honneur certain.

L'excitation de la meute est palpable, et je me sens déchiré entre elle, la fatigue et la douleur de la morsure et le fait que je ne suis pas un grand adepte de la chasse autrement que pour me nourrir. Pourtant, il va bien falloir que je m'habitue à cette forme de partage entre les loups. Un élément qui permet probablement de resserrer les liens entre eux. Entre nous.
Ashes caracole, comme s'il voulait lui aussi prendre part à la chasse. M'est avis qu'il a déjà participé à ce genre d'événement et qu'il s'impatiente à l'idée de la course qui l'attend. Loin de le tenir à outrance, je lui laisse les rênes, les doigts souples, et me contente d'éviter qu'il ne m'emporte ou ne fasse trop de bêtises. Respect mutuel, qui semble relativement lui convenir.

Le départ est donné, enfin. Je laisse ma monture prendre le galop et régler son allure sur celle des loups. Les rênes dans une main, je replie mon bras gauche contre mon ventre, aveux silencieux que j'ai beaucoup plus mal que ce que je veux bien laisser paraître.
L'experience est… nouvelle. Étrange. J'ai déjà chevauché dans les bois, même à vive allure, mais jamais avec… avec autant de vie autour de moi. Ou du moins, jamais en ne ressentant autant de vie autour de moi. Les chants des oiseaux nocturnes et les cris lointains de quelques chauves-souris, l'odeur fauve des animaux et une… différente. Qui dégage quelque chose d'inquiété, je crois, et qu'il me semble que nous suivons.
Celle de notre proie ?
A plusieurs reprises, j'aperçois la ramure du cerf entre les branches au feuillage timide, tout juste sorti de l'hiver. A quelques occasions, je tire un coup de semonce pour rabattre la bête vers la meute, n'hésitant pas un seul instant à ne plus me servir que de mon assiette pour diriger un peu Ashes. Chacune des détonations m'arrache un frisson de dégoût. Depuis quand cela-fait-il autant de bruit ? C'est extrêmement désagréable.

Après une cavalcade trop courte, le cerf se retrouve acculé. Contraint, il baisse ses bois vers la menace la plus proche, Tristan, prêt à charger et se battre pour sa vie. Ma monture piaffe, probablement déçue de ne pas avoir plus le temps de se dégourdir les membres, mais je parviens à la ramener très vite au calme en voyant que l'Alpha me fait l'honneur de la mise à mort.
J'acquiesce à son adresse, remerciement et accord tacite pour ce cadeau de bienvenue, arme mon fusil, vise et atteint la proie en plein coeur.
Le cerf s'effondre. J'ai tué proprement. Sans souffrance excessive.
J'abaisse le canon de mon arme, observant la meute un bref instant, avant de la ranger puis mettre pied à terre. Je ne sais pas si je dois faire plus, ou attendre, laisser d'autres continuer ou plutôt achever cette chasse étrange.
Le bras toujours replié contre mon ventre, je tourne brièvement le regard vers Sasha.
Mon phare dans la tempête.

Si les deux loups restent efficaces dans la traque, ils laissent volontiers Huck donner des coups de fusils et le bruit est toujours aussi détestable, mais à force, ils sont habitués. Les natifs ont cette tolérance au monde bruyant des humains, mais cela ne les empêche pas d’apprécier le « silence » de la forêt. La course-poursuite aurait pu être plus longue, or cela n’avait pas de sens avec un futur loup qui devait commencer à fatiguer avec tout ça… il connaîtrait bientôt la grande endurance lupine et s'étonnera de pouvoir cavaler comme un forçonner dans la forêt pendant des heures et ne pas s’écrouler en rentrant chez lui !

Les chevaux piaf surtout Ashe qui adore galoper… voir même poursuivre des êtres vivants, Tristan l’avait remarqué, c’est un cheval ramené du Moyen-Orient et il avait été monté par de nombreuses personne, voulant un moyen de transport fiable courageux et infatigable et il avait été entre les mains de plusieurs voleurs de caravane, de quoi dire que bon … le cheval avait été formé à galoper derrière d’autre personnes ou montures ! Sunlight est plus tempérée, elle piaf un peu, surtout à cause de l’excitation de l’hongre mais elle ne sera pas ingérable, elle est même assez tranquille, c’est une bonne jument très douce, mais avec du jus quand même. Tristan attendit donc qu’Huck prenne son cadeau honorable… ce cerf était valeureux et il allait donner sa vie pour une belle naissance. Elle ne sera pas gâchée ou bafouée. Le geste de l’homme fut pris comme un remerciement, le grand loup cligna des yeux, s’écartant un peu afin de laisser le tir du fusil faire son bourreau. Net et précis, l’animal tomba. Huck descend de cheval, le bras plié contre son ventre souffrant sûrement de la morsure avant de se tourner vers le jeune homme sur la jument couleur soleil. Il aurait été sous forme de loup, alors il aurait pris le foie, mangeant la partie la plus noble, réservée aux alphas, mais sauf cas exceptionnel à celui qui est à l’honneur. Or, il était encore humain et manger de la viande crue restait un acte plutôt barbare et pas digeste. Tristan attrapa le coup du cerf et agita la queue en direction du cheval, un mouvement simple, lui ordonnant de remonter afin qu’ils puissent tous regagner la clairière. Ainsi, ils remontèrent vers le premier endroit, un œil attentif aura remarqué la silhouette immense d’un lion de néméens, gardien protecteur de ce territoire, sauvé par Alva et Alexan en novembre. Rasha veillait et ayant perçu l’odeur du sang, il avait dû venir jeter un œil avant de s’éloigner respectant le moment de la meute. Peut-être que Tristan lui laissera la part du butin, pour le remercier d’être un si bon gardien.

Une fois dans la clairière l’alpha reprend forme humaine et se vêtu dans la foulée. Aïcha passe une sorte de fumée verte (couleur d'Huck) avec quelques paroles inaudibles sur le corps du cerf brun, puis sort un couteau pour l’éventrer et vider les organes et préparer un peu le cadavre en le découpant. En toute honnêteté, on ne dirait pas qu’elle était aveugle. Tristan, alla l’aider (et se lava les mains dans le bassin) et certains morceaux furent grillés sur le feu pour partager de manière plus « humaine » la viande.

Une demi-heure après, ils étaient réunis autour du feu avec de quoi manger. Les Hennessy avaient prévu le coup avec des couverts et des assiettes, et même une bonne bouteille de champagne pour fêter ce moment précieux d’un nouvel avenir. Un pique-nique amélioré. Tristan leva son verre et toisa Huck, qui avait reçu à mâcher des plantes anti-douleur de la part de la sorcière Koumba.


 « À cette nouvelle vie qui s‘ouvre à vous Huck. Au trois cent prochaines années de votre vie de loup.   » il trinqua avec ceux le désirant (sinon il avait de l’eau) puis bu une gorgée.  « Vous avez peut-être des questions ?  »

Je finis par avoir la réponse à la question que je me posais. Tristan m'indique d'un mouvement de la queue la direction d'Ashes, les crocs plantés dans la gorge du cerf. Je me hisse en selle sans difficultés malgré mon bras que je tiens immobile contre mon torse, et ne prends pas la peine de glisser mes pieds dans les étriers. Les rênes dans une main, je reprends la route au milieu des loups, aux côtés de Sasha. Ma Sasha.

Nous regagnons la clairière et les bruissements de la forêt qui composent le chant de la nuit se font plus doux, avant d'être lentement effacés par les bruits joyeux de la préparation d'un festin.
Je m'occupe d'Ashes aux côtés de Sasha qui se charge de Sunlight. Proximité silencieuse. Je ne sais pas quoi dire, je crois que la fatigue me rattrape, ainsi que la tristesse de ne pas pouvoir avoir de véritable geste tendre envers elle en public. Pourtant, c'est un petit sourire que je lui adresse. Un sourire dont je ne peux cacher la tendresse. Mais personne ne nous regarde, trop occupé par le gibier et le repas délicieux qu'il représente. Seule Aicha m'approche, pour me donner des herbes à mâcher, et j'observe ensuite tout ce petit monde qui s'agite dans une danse harmonieuse où chacun connaît sa place et son rôle.
Une danse qu'il me faudra apprendre.
Je déteste danser. Mais j'adore apprendre.

Heureusement, je me sens moins seul avec Sasha à mes côtés. J'ai encore du mal à réaliser que cette meute, c'est ma meute, même si quelque part au fond de moi, je le sens, je le sais.
Nous nous installons autour du feu, et je sens le rouge me monter aux joues lorsque mon Alpha me porte un toast, vite repris par le reste de la meute et la femme que j'aime.

-Merci de… de m'accueillir parmi vous… je souffle avec maladresse. Je ne suis pas très doué pour les discours alors mes mots ne reflètent absolument pas la gratitude que j'éprouve…

Je trempe mes lèvres dans la coupe de champagne et pose un regard plein de tristesse et d'angoisse sur le visage encore plein de rondeurs enfantines de Sasha. Trois cent ans. Ça signifie au moins… au moins deux cent sans elle. Et je… je ne sais pas comment je ferais pour survivre à son absence.
Mourir de chagrin est bien sûr impossible mais… je ne devrais peut-être pas y penser maintenant. Si cela se trouve, ma première transformation me tuera, ou peut-être que je serais trop dangereux et qu'il faudra m'écarter ou m'exécuter. Je préfère encore mourir que tuer des innocents et massacrer des villages par soif de sang.

-Je… je vous avoue que je ne sais pas trop… quoi demander… laissez moi y réfléchir quelques minutes…

J'affiche un sourire désarmant. Je garde le silence l'espace de quelques instants, le temps d'ordonner mes idées, de me détourner des bruits alentours, si forts et envahissants depuis la morsure, pour me recentrer sur moi même.

-J'ai plusieurs questions, je crois. Comment cela se passera-t-il pour les voyages et les missions ? Je pourrais partir quand même ? Malgré la pleine lune ? Si je suis trop dangereux et que je ne me maîtrise pas, qu'est ce qu'il sera fait pour éviter que je m'en prenne à qui que ce soit ? Est ce que je suis obligé de vivre sur le territoire de la meute ou je peux rester à la Ligue ? Combien de temps avant que je puisse potentiellement me maîtriser et me souvenir des nuits que je passe ? Et…

J'ai un faible rire.

-J'ai l'impression que mes sens sont déjà plus sensibles, est ce que cela va vraiment être de pire en pire ? Comment on fait pour atténuer cela et ne pas devenir fou ? Seigneur, j'ai l'impression d'être un enfant… j'ajoute avec un certain embarras.

Est ce que je vais vraiment vivre trois cent ans dont deux cent sans Sasha ?...

Installés, tous auprès du feu, avec de la viande qui grillait sur les flammes, le toast est donc levé, un toast qui gène un homme profondément modeste et qui n’aime pas être au centre de l’attention. Pourtant, ce soir, il venait de faire un grand pas dans sa nouvelle vie, une aventure riche et belle. Certes, il aurait à passer la transformation et lutter quelques lunes contre la perte de ses souvenirs pendant ce qui reste de belles nuits, mais il n’était pas natif et transformé à un âge avancé, son esprit serait donc plus fort pour lutter contre l’amnésie.

Au fond, le nouveau loup n’a pas besoin de faire un long discours, ses quelque mots empreints d’émotions suffisent à faire comprendre aux deux alphas présents, toute cette gratitude et son honneur d’être l’un des leurs. Tristan, hoche la tête avec un rictus appréciable.

La surprise se lit facilement dans les regards surtout de Sasha manquant de s’étouffer sur les siècles de vie d’un loup. N’avait-il pas daigné se renseigner dans les ouvrages de la Ligue ? Apparemment non, comme quoi on cherche toujours les faiblesses mais on ne s’intéresse pas au reste. Enfin, c’est pour cela qu’il leur demande s’ils ont des questions… et Huckberry semble bien tendre envers le jeune homme en plus de lire une forme d’angoisse à cette longévité enfin bon Tristan et Alva se demandait leur lien et si quand bien même il était amoureux, aucun des deux ne jugerai et tairait leur secret si mal perçu dans la société actuelle. Peut-être qu’un jour, les personnes du même sexe pourraient s’aimer ouvertement.

« Faites donc. » répondit simplement Tristan, tout en jetant un regard à sa fille, avant de boire un peu de son verre. Et finalement, le flot de questions arriva avec même un éclat de rire, oui il est normal qu’il perçoit des changement… et cela va être de pire en pire. Surtout pour un non natif, passant de sens peu utile à des sens décuplés.

« Comme mentionné en début de cette soirée, nous vous donnons la possibilité de loger dans l’une des cabanes du territoire, elles sont équipées aussi bien que des maisonnettes. Cela est plus préférable que vous y logiez en attendant votre première transformation. Je vous le conseille fortement, pour garder un peu de tranquillité, vous verrez que très vite que vos sens vont se développer et être à la Ligue avec son bruit ambiant va vous énerver très vite. Surtout qu’elles possèdent plusieurs chambres. » son regard alla sur Sasha, signe qu’il pouvait tolérer sa présence si celle-ci était bien un soutien indéfectible pour le nouveau loup.

« Vous nous préviendrez si vous venez sur le territoire où L’omicron John Hennessy, je vous donnerai une liste des membres de la meute. » sinon ils allaient avoir une drôle de surprise avec Rasha le lion néméen qui les renvoie dans leur pénates.

« Concernant votre vie de loup, vous pouvez vivre où bon vous semble. Les logements sur le territoire sont à disposition de chacun, pour des congés ou en cas de perte de bien. Les Omicrons vivent ici en revanche, pour garder le territoire. » il fit une pause « Pour les missions, jusqu’à la sixième pleine lune, vous devriez faire attention et éviter de partir pendant les périodes de pleine lune ou bien avec un autre loup expérimenté et soumis à ma validation. Après celle-ci, vous aurez plus de maîtrise et des entraînements vous seront de toute manière dispensés, comme je vous l’ai dit Huck, vous êtes sous ma responsabilité et je vous accompagnerais durant ce changement de vie. De plus, à chaque pleine lune la meute se réunit pour faire des festivités, généralement les loups demandent à ne pas être inscrits aux missions durant cette date. » il aurait des souvenirs plus clairs à chaque transformation mais dès la sixième donc 6 mois après, les souvenirs seront pérennes et il se sentira plus maître de lui. après tout dépend de l'entraînement, mais Tristan et Alva allaient veiller sur lui.

« Quant à vos sens… cela va être de pire en pire. D’où le fait que je vous conseille fortement de venir loger sur le territoire pendant cette période. Vous n’avez rien à atténuer, vous devez subir ce changement, votre corps s'habituera à tout cela et après la prochaine pleine lune et votre transformation, votre corps d’humain sera celui d‘un loup et en conséquence vous allez vous rendre compte que tout cela se gère seul. Bien entendu, les bruits forts ou les odeurs tout aussi poignantes, vont vous marquer et on vous apprendra à pister, à vous servir de tout cela. mais jusqu’à la pleine lune, vous allez souffrir Huck. Comme la douleur de la transformation, c’est désagréable, mais elle s’atténue avec le temps, le corps s’habitue toujours. »

Tristan ne semble pas désarçonné par mon flot de questions digne de Sasha dans ses meilleurs jours. Au contraire, il prend le temps de me répondre avec moult détails et je rive mon regard sur son visage, comme si cela pouvait m'aider à retenir ce qu'il m'explique. Tant de choses qui changent, tant de nouvelles habitudes à prendre…

-D'accord. Je vais probablement rester à la Ligue pour quelques jours, avant de venir ici… j'ai quelques affaires à régler et…

… je ne suis pas sûr que Sasha me suivrait pour vivre ici le temps que la prochaine pleine lune arrive…

-... et je dois voir ce que j'emmène avec moi pour éviter de tourner en rond. Et naturellement, je préviendrais tout le monde. Que l'on sache où me trouver et que je ne cause pas d'ennui…

Je laisse échapper un discret soupir en entendant qu'il sera là en soutien indéfectible pour m'éduquer et me guider. Le soulagement doit être lisible sur mon visage. Je n'aurais pas voulu me faire mordre par un autre loup, je n'aurais même pas accepté de me faire transformer si Tristan n'avait pas été là pour encadrer les choses.
Je coule un regard vers Alva. Sa fille. De façon toute naturelle, la confiance que j'accorde à son père s'étend à elle, même si nous ne nous connaissons que très peu, finalement.
Il ne répond pas à ma question sur ce qui m'arriverait si j'étais dangereux. Ou peut être que je ne me suis pas bien exprimé, ou que je n'ai pas compris sa réponse.
Qu'importe…. Si ça arrive… je préfère ne pas y penser maintenant. Enfin, plutôt, je préfère me persuader que je n'ai pas envie d'y penser maintenant, d'anticiper… quoi, une exécution, un enfermement ? Je préfère mourir qu'être retenu prisonnier.

-La douleur n'a jamais tué personne. Je crois. je réponds dans un murmure prudent.

Le paludisme, si. Cela dit, lorsque je me suis retrouvé en convalescence chez Chester avec le dos ravagé… je l'ai appelée de toutes mes forces, la Mort. Sans surveillance assidue, j'aurais probablement commis un geste malheureux pour fuir ce monde  la souffrance et la folie qui me guettait à cause d'elle.
La douleur de la transformation sera toujours moins pire. Peut être intense, vive, brûlante mais elle ne durera pas des semaines sans aucun répis.

-Il me tarde d'apprendre tout cela. je conclus d'un ton plus enjoué, déjà pressé de découvrir le loup en moi.

Ne faire qu'un avec lui. Pister. Découvrir le monde sous un nouvel angle. Vivre sans épée de Damoclès, sans l'ombre de la mort qui dévore petit à petit la mienne jusqu'à venir me ronger moi. Bon, certes, chaque pleine lune va m'être douloureuse pendant un moment, peut être même que ça me paraîtra insupportable au début mais… je me sens vivant.

La chasse était un rite de bienvenue et offrir la proie un honneur certain que Huckleberry sembla prendre à sa juste valeur. Son tir fit mouche et le cerf s’effondra, une mort propre et digne, les prochaines chasses du jeune homme seraient sans doute moins propres, mais celà aussi, il s’y habituerait.

Le futur loup mit pied à terre et se tourne vers son ami, ce garçon au visage rond qui semblait avoir une place d’importance dans la vie de Monsieur Finn. Il n’était pas l’heure d’aborder ce sujet et après tout, à part ces trops nombreux regard et cette insistance de la présence de l’autre, elle n’avait aucune preuve direct que ce soit plus qu’une forte amitié. Quoiqu’il en soit, il ne lui faudrait sans doute que quelques mois pour comprendre qu’au sein de Moris Luna la pédérastie n’était pas condamnée... comment l'auraient-ils pu avec leur histoire familiale !

Ils reprirent tous le chemin du campement pour la suite des festivité et pendant que Aïcha et Tristan s’occupaient de la préparation de la viande, Alva invita Huck et Sasha à l'aider à raviver le feu et de rassembler les couverts, qui donnerait un air plus “célébration” à ce pique-nique et même du champagne viendrait agrémenter la fête d’une saveur particulière.

Tristan lança le repas de quelques mots pour célébrer la nouvelle vie s’offrant au mentor de la Ligue et Ashton manqua de s’étouffer, sans doute le jeune homme n’avait pas encore réalisé que bientôt, sa propre vie paraîtrait bien courte comparé à celle de son ami. Un détail pas toujours facile à gérer dans les relations amoureuses ou amicales entre loup et non loup, et la louve qui habituellement voyait celà comme un aléa inévitable de la vie, portait un regard légèrement différent depuis quelques semaines, espérant pour la première fois que sa vie ne s’achèverait pas trop tôt et pouvoir profiter tant qu’elle était en bonne santé de ceux à qui elle tenait tout particulièrement.

Huckleberry prit la parole à son tour, tentant maladroitement de les remercier pour cet accueil et ce nouvel espoir d’une vie loin de la maladie, puis après un moment de réflexion se lança dans une tirade de questions qui la firent légèrement sourire. Toutes ces interrogations étaient justifiées et pourtant, elles trouveraient pour la majorité tout naturellement une réponse avec le temps. Tristan répondit avec toute l’expérience qui était la sienne et Alva l’écouta avec attention, notant dans son esprit autant ses mots que son intonation et ses gestes, apprenant du même coup son rôle de co-alpha. Un jour peut-être serait-elle amenée à présider ce genre de cérémonie, si d’aventure le futur loup demandant à rejoindre le coeur de la meute serait plus proche d’elle que de Tristan, alors l’alpha lui laisserait sans doute l’honneur et la responsabilité de mener le rituel.

Et la louve neigeuse pouvait avoir sur son visage et dans son port altier toute l’apparence d’une assurance sereine, en son fort intérieur, elle le voyait si grand, si solide depuis des années.. son phare dans la nuit... qu’elle savait qu’elle n’arriverait jamais à l’égaler. Après tout, on érige pas un piédestal pour se hisser à la hauteur de celui qu’on y place... mais pour l’admirer avec toute la force de l’amour qui nous anime.

Alva tourna ensuite son regard sur l’homme en l’honneur duquel était organisé tout ce cérémonial et qui rejoindrait bientôt ce flux constant dans son esprit. Un flux dont elle avait découvert qu’il lui manquait depuis toujours, que depuis que son aura avait accepté celle de son père après une rude bataille et qu’elle était devenue officiellement alpha à ses côtés.

Il buvait les paroles de son père bien qu’il ne les intégrerait réellement que plus tard comme chaque fois que l’on vit une situation nouvelle qui chamboule vos perceptions du monde ou de votre vie, on écoute, mais il faut du temps pour réellement intégrer les mots et leurs sens. Quant à sa remarque sur la douleur, il avait raison elle ne tuait personne, dans le pire des cas elle rendait inconscient ou fou, mais ce n’était jamais la douleur qui tuait au contraire, elle était le signal d’alarme dont le corps et l’esprit avaient besoin pour apprendre à se protéger.

Mais il découvrirait aussi que son corps pourrait encaisser plus de douleurs qu’avant, c’était une évolution biologique indispensable pour supporter la souffrance d’un corps en pleine métamorphose.

Il allait apprendre et découvrir, c’était un chemin effrayant mais exaltant qui s’ouvrait à lui et dans sa situation un espoir merveilleux de prolonger son existence, certes il troquait une douleur pour une autre, mais lorsqu’il aurait fait de ce nouvel instinct le sien, cette douleur deviendrait le synonyme de liberté et non de mort.

Le reste de la soirée fut l’occasion de nombreuses discussions sur moults sujets allant de la condition de loup à la politique ou de nombreux récits d'aventures ou de chasses palpitantes. Ils veillèrent jusque tard dans la nuit avant sur les loups ne s'éparpillent et que Tristan et Alva ne raccompagnent Finn et Ashton