We’re all stories in the end. Just make it a good one, eh?
♫♪ Don't you forget about me
Don't you forget on our dreams
We were soft and young
In a world of innocence ♫♪
La faim. C'est mon tout premier souvenir. La faim qui arrache les tripes, fait gémir nos corps,fait mourir les plus faibles...
Blottie contre Althéa, j'attends le retour de nos parents, mes deux minuscules mains posées sur mon ventre qui hurle sans interruption depuis... Depuis des semaines je crois, peut être, ça fait vraiment trop longtemps alors je sais plus.
Kieran est tellement tout fatigué qu'il a du mal à bouger, mais il reste tout près de nous, au cas où, pour nous protéger il dit. Les voleurs se font de plus en plus fréquents ces derniers temps, il dit aussi, pourtant, on a rien qui soit digne d'intérêt pour eux.
Kieran, c'est mon seul grand frère restant et je l'adore. Je veux pas qu'il meurt lui aussi.
Fenius est tombé juste après que papa et maman soient partis. Je le vois pas bouger, même pas son corps comme quand on respire. Je veux pas qu'il meurt lui aussi mais je peux pas le sauver. J'ose pas aller voir si de l'air sort de ses trous de nez.
Althéa bouge un peu contre moi. Ça me rassure, elle, elle est pas morte. Althéa, c'est ma jumelle.
Avant, on avait une autre soeur et deux autres frères, Tara, Rónan et Teagan. Mais on les a tous emballé dans des draps parce qu'ils étaient morts et on les a enterrés au fond du champ, juste à la lisière de la forêt. Papa et maman on fait ça pour pas qu'ils soient mélangés avec plein d'autres gens du village et avec des inconnus.
Et puis après ça, on est allés ramasser les patates. J'en ai compté dix qui étaient toutes noires. Dix c'est beaucoup, c'est le maximum que je peux compter parce que j'ai dix doigts. Mais y'en avait beaucoup plus en fait. Vraiment tout plein tout plein. Si elles auraient pas été noires, on aurait pu les manger et on aurait pu sauver des gens avec, pour pas qu'ils meurent parce que ils mangent pas assez. J'entends souvent papa raler sur Reine Victoria. Je sais pas qui c'est elle, mais si elle a rendu malade les patates, elle est méchante, et moi, j'aime pas les gens qui sont méchants parce qu'ils sont pas gentils. Et puis j'aime pas avoir faim.
Papa et maman reviennent finalement, avec le panier, mais y'a rien dedans. Je l'aurais senti sinon. Ils s'approchent de Fenius et puis l'emballent lui aussi dans un drap.
Maman jette une poignée d'herbes sèches dans un peu d'eau, dans la marmite qu'elle pose près du feu. On dirait qu'elle s'en fiche de tout. Moi j'ai pas envie de boire encore de l'eau aux herbes pour le repas.
Kieran, lui, il gémit plusieurs fois puis plus rien, comme s'il s'était endormi. Papa s'approche de lui puis le porte vers le lit en disant un mot bizarre que je connais pas. Évanoui.
Dieu s'il te plait le fait pas mourir lui aussi, je veux pas, il est gentil et je l'aime.
Je me mets à pleurer.
♫♪ And you make my world go round
and round and round
and round and round ♫♪
-Hééééé, mais qu'est ce que tu fais ?! je m'écris, un petit sourire mutin aux lèvres.
Kieran s'éclaffe et bondit dans les herbes hautes autour de moi comme un jeune chien fou. J'essaie de le suivre du regard, tournoyant sur place, empêtré dans ma robe, mais je suis bien trop ralentie par tout ce tissu et le voilà qui m'attrape par derrière et me soulève.
-Lâche moi, lâche moi ! Je me débats, mais il est trop grand, trop fort pour moi. Il me porte jusqu'à la rivière.
-Kieran arrête ! Je pouffe, écho à son propre rire. Je suis sure qu'il va me jeter à l'eau, mais je m'en fiche, parce qu'au fond, j'adore l'entendre aussi joyeux. J'adore l'entendre émettre des sons. Il n'y a plus qu'avec moi qu'il le fait depuis la mort de Fenius y'a huit ans. Des fois, il me parle aussi. C'est très rare, mais ça arrive. Il dit juste mon prénom, ou alors quelques mots banals, du genre "rivière ?" ou "t'as faim ?". Mais c'est tout.
Au village, on l'appelle le muet. A la maison, mes plus jeunes frères et soeurs l'appellent l'idiot. Althéa l'ignore, et papa et maman ont toujours un air soucieux quand ils le regardent.
Mais moi je sais qu'il n'est pas muet. Ni devenu simple d'esprit. Il n'a juste plus envie de parler, il n'a plus envie parce que Fenius ne lui répondra plus jamais. Et moi, je l'accepte, je le comprends ça. Si je perdais ma jumelle, je ne sais pas si j'aurais très envie de continuer à parler aussi.
Mais ça serait encore pire si je perdait mon grand frère. Mon Kieran.
La fraicheur de l'eau me saisit brièvement, mais je couine de joie une fois complètement immergée. Instinctivement, je prends ma forme de loutre. Je file dans la rivière, bravant le courant, rapide comme une flèche, et refais surface quelques mètres plus loin. Kieran m'a suivi, bondissant de rochers en rochers. Cette fois, il a pris sa forme de renard. Je me demande comment il fait pour arriver à se changer en deux animaux différents. Ça a l'air tellement facile, mais moi je n'y arrive pas.
Je couine de nouveau et replonge, et nous remontons tout les deux vers l'amont, proches et distants à la fois. J'aimerais bien réussir à attraper un poisson, mais je n'y arrive pas encore. Lui est déjà parvenu à capturer des rongeurs sous sa forme de faucon, mais bon, il a quinze ans, il est déjà grand... Je suis tout de même un peu envieuse, j'avoue.
Parfois, je me demande comment nous allons faire pour l'histoire de notre famille. C'est lui qui doit l'apprendre normalement, pour pouvoir la restituer plus tard à nos descendants, mais s'il préfère rester muet... J'espère que cette tâche ne me reviendra pas parce que j'en ai pas envie. Et puis il parait qu'Althéa est née juste avant moi alors... Je suis peut être sauvée.
♫♪ If you shout loud enough
You will be the one to follow
[...]
If you shout loud enough
You will dance, not turn to ashes ♫♪
-Mais qu'est ce que c'est que... cette chose ?! Je lève les yeux sur ma mère, surprise.
-Bah... C'est un pantalon. Tu sais, c'est le machin que Kieran porte tous les jours pour pas être nu. Et papa aussi. Assise à table à repriser une vieille chemise, Althéa pouffe.
-Retire moi ça tout de suite ! Quelle honte, je ne sais pas ce qu'il te passe par la tête en ce moment Ciara mais tu fais véritablement n'importe quoi. Tu n'es pas un bon exemple pour tes soeurs. Ah oui. Parlons en de mes trois petites soeurs. De vraies princesses qui détestent tout ce qui a attrait aux champs -ce qui n'empêche pas qu'elles ont leur part de corvées en rapport, non mais oh, hein- et préféreraient vivre dans un château avec des chevaliers. Tout mon contraire. Mais bon, elles sont... Mignones. Des fois.
-Tu veux que je l'enlève ? Bon. Très bien. Et je commence donc à me dévêtir sans me soucier de Kieran, qui, pour le coup, change de pièce en se signant, un faible sourire aux lèvres.
-Non ! Pas comme... Oh et puis fais ce que tu veux, quand tu finiras en Enfer je ne serais plus là pour le voir. Je tressaille, coupée dans mon élan. J'ai senti mes iris changer de couleur sous le coup de l'émotion, s'assombrir jusqu'à en devenir ébène.
On ne peut pas aller en Enfer pour un pantalon quand même si ? Alors tous les hommes iraient en Enfer et les femmes au paradis ?
-Je vais chercher du poisson pour le déjeuner. je marmonne pour toute réponse, avant de quitter la maison sans chercher à comprendre plus avant ce que ma mère voulait dire.
Moi qui était fière d'avoir ajusté ce vieux pantalon de mon frère à ma taille.... Tant pis, je le porterais quand même... Au moins juste aujourd'hui, pour faire ce que ça fait, comment c'est de pouvoir bouger avec du tissu qui colle presque aux jambes. Une journée en pantalon
ne peut PAS me coûter ma place au Paradis. Je prie tous les jours, on va à l'église tous les dimanches... Ce serait vraiment... Trop méchant. Dieu est trop bon pour s'attarder sur de telles choses, n'est ce pas ?
Je n'ai pas fait deux mètres qu'Althéa me rattrape et me tends un filet.
-Pour les poissons. Je me saisis de l'objet et croise son regard.
-Tu sais... Parfois je t'envie. Tu n'as l'air d'avoir peur de rien. C'est comment de porter... Ça ? Elle désigne mon pantalon.
-Je te raconterais tout ce soir, promis. -Tu n'as pas intérêt à oublier ! me lance-t-elle en tournant les talons.
Althéa. Si conformiste, si respectueuse des règles, si... parfaite. Nous sommes si semblables et si opposées à la fois... C'est étrange, réellement étrange. D'être physiquement le parfait reflet de quelqu'un, mais de n'absolument pas avoir le même caractère...
Trançant mon chemin vers la rivière, je lève les yeux sur le ciel étonnement bien dégagé en ce jour de printemps. Sur le bleu éclatant, une forme se détache. Elle bat des ailes, plonge légèrement.
Un faucon.
Kieran.
Je souris et commence à courir.
♫♪ Until we can walk on free land
Until we can choose who to love
Until we can dance on water
We'll hold our hands together ♫♪
-Il y a cet organisme... Celui qui nous recense, tu sais... J'aimerais en faire partie, me battre à leurs côtés pour nous. -Pour quoi faire ? Je lève un regard outré sur Keenan.
Keenan, c'est un ami. Je l'aime bien, il est sympa, mais parfois il est tellement... Dans la lune. Tellement flegmatique. On croirait presque voir ces anglais un peu nombriliste. Dommage. On s'entendrait encore mieux s'il était un peu plus impliqué dans sa vie. Un poisson qui se laisse porter par le courant est souvent un poisson mort. Et un poisson déjà mort, c'est pas très très gouteux, même pour une loutre.
-Tu as vu ce qui est arrivé aux Walsh dernièrement... Ils ont été chassés par leur voisins à coup de fourches, ils ont incendié leur maison, leur petit atelier, ils n'ont plus rien. -Quel est le rapport avec cet organisme ? Nom d'une pipe en bois mais qu'il est lent aujourd'hui. Il me sourit, penaud, et je soupire, consentant à lui expliquer. En fait, je crois que, des fois, son esprit part juste trop loin, qu'il se perd dans ses pensées et qu'il n'écoute plus vraiment les gens qui l'entourent. C'est peut être parce qu'il est comme ça qu'il parvient à écrire toutes ces histoires. Qu'il noircit des pages et des pages qu'il me confie ou me lit par la suite. A moi comme à d'autres d'ailleurs.
-Il est aussi là pour nous protéger ! Pour empêcher ça, que ces humains ne nous détruisent et nous exterminent tous. Enfin je crois. Je veux voir ça par moi même. -Et si ce n'est pas le cas ? En ça aussi Keenan est lourd. Il met souvent le doigt sur des choses très justes. Trop justes. Et gênantes. Je hausse les épaules.
-Je ne sais pas. J'imagine que... J'essayerais d'aider autrement. Je ne sais pas trop comment. -Ce n'est pas facile quand on est une femme. Une femme. Il me voit déjà comme telle. Je ne suis même pas mariée. Je baisse les yeux face à son sourire doux, emprunt d'une émotion que je ne parviens jamais à comprendre, à connaître. Kieran soutient qu'il est amoureux de moi. Peut être qu'il a raison, après tout, les hommes comprennent mieux les hommes que les femmes et vice versa.
-Je trouverais un moyen. je réponds en fixant la prairie de l'autre côté de la rivière pour éviter son regard.
Non loin, un faucon lance un cri d'alerte. Je cherche mon frère du regard. Il chaperonne, le bougre. Je ne peux cependant pas lui en vouloir alors qu'il tente de me protéger. D'ailleurs, je crois qu'il désapprouve mon envie d'intégrer cette... Ligue ? Je crois bien que c'est le nom qui lui est donné. Mais pour une fois, je ne l'écouterais pas.
Hum, d'accord, ce ne sera pas la première fois en fait, je l'avoue. Mais quand même.
-J'ai envie d'aller voir à quoi ressemble la vie chez eux aussi. -Les anglais ? Elle est certainement plus facile et drôle que la notre. Eux n'ont pas vraiment souffert du manque de patates d'il y a quinze ans. Je frissonne. Il était plus jeune que moi et pourtant lui aussi s'en souvient.
-Nous n'en savons rien, en fait... je réponds après une pause.
-Je le suppose juste. -Tu le supposes ou tu l'entends de-ci de-là ? La Reine et sa politique sont les sujets qui trainent régulièrement sur toutes les lèvres du village.
-Les deux. Tu n'as pas peur qu'on te regarde comme un animal bizarre ? Je pouffe.
-On me regarde déjà comme un animal bizarre quand je me transforme. -C'est parce que tu pousses des cris étranges. Horribles aussi parfois. Quand tu as faim. Cette fois, c'est en choeur que nous rions. C'est pour ce genre de moments que j'apprécie particulièrement mon ami. Ça efface toutes ses bizarreries.
Il se lève.
-Il est temps de rentrer. On fait la course ? propose-t-il.
Je sais qu'il va encore me laisser gagner. Je déteste ça.
♫♪ I will stand in the rain
Hoping sun will come through
Then I'll see the colours of a misty rainbow
I'll stay up in the night
Looking on shooting stars
To tell you how magic
Is the all-universe ♫♪
-JE REFUSE DE ME MARIER AVEC LUI ! -Tu n'as pourtant pas le choix Ciara. Si tu veux quitter notre foyer, tu l'épouses. Ensuite, libre à toi de partir aussi loin que vous le désirez tout les deux. -MAIS JE NE DESIRE ABSOLUMENT PAS PARTIR AVEC LUI, JE VEUX PARTIR SEULE ET, ET, ET LIBRE !!! -Nous ne te laisserons pas devenir vieille fille et Keenan est le seul homme assez fou pour avoir osé demander ta main. Mes yeux ont viré à l'ébène depuis bien longtemps sous l'effet de la colère. Ils se plantent dans ceux de mon père, d'un gris-bleu délavé où transparaît une fatigue que je ne soupçonnais pas jusqu'ici.
-Et si je refuse de l'épouser quoiqu'il arrive ? -Tu ne le feras pas. Par respect pour ta famille. Ou bien dans ce cas tu resteras près de nous pour t'occuper de nos vieux jours. Il a raison, il le sait, je suis prise à la gorge comme l'une de ces biches qu'il chasse parfois lorsqu'il prend sa forme de lion des montagnes. Des larmes de rage me montent aux yeux.
-Mais je ne l'aime pas. Pas... ainsi. -Tu apprendras. -Je refuse. -Réfléchis bien avant de donner ta réponse définitive. Il a déjà une situation régulière. Même si vous partez là bas... Il n'aura que peu de mal à trouver une maison pour l'employer. Ou bien à créer sa propre boulangerie. Boulanger. Je trouve que ça ne convient tellement pas à la personnalité de Keenan. Mais il parait qu'il est heureux ainsi. C'est ce qu'il prétend, en tout cas.
Mon regard obstinément fixé sur les plumes abimés éparpillées sur le bureau devant lequel je me tiens, je m'efforce de trouver des avantages à cette situation. Hormis le fait de probablement avoir du pain frais relativement souvent... Je n'en vois que peu. Oh, bien sûr, ma vie ne sera pas définitivement liée à celle d'un inconnu aussi. Mais... Je ne veux rien de tout ça. Pourquoi, POURQUOI les hommes ne sont-ils que peu ennuyés s'ils veulent rester seul, pourquoi peuvent-ils vivre comme bon leur semble, où ils veulent, comme ils veulent, sans tant de contraintes, sans...
-C'est d'accord. Je plante mon regard toujours aussi sombre dans celui stupéfait de mon père. Il devait probablement s'attendre à batailler beaucoup plus longtemps.
-Ciar... Il n'a pas le temps de finir que j'ai déjà quitté la pièce et même la maison pour m'enfoncer à travers bois. J'ai deux ou trois mots à toucher à mon futur mari, et quelques cloches à lui faire sonner également. Il ne s'en tirera pas à si bon compte.
♫♪ I'll save you from yourself
From those voices calling you
Sell your soul to evil
Then you'll be dancing forever ♫♪
Mes doigts tirent légèrement sur les cordes, archet coincé dans mon autre main, tout contre le manche du violon. Les notes sont brutes, presques dissonantes comparées à lorsque l'acier est frotté. Mais elles sonnent tout de même comme une douce musique en ce soir d'automne pluvieux. Presque comme une berceuse.
Une parenthèse de calme dans cette tourmente londonienne. Même lorsque Keenan et moi refermons la porte sur ce monde grouillant qu'est la capitale, nous ne nous sentons pas tranquille. A l'abri. Les rumeurs du quartier s'insinuent par les moindres interstices. J'en regrette le village et la nature qui l'entourait.
Je regrette la rivière aux eaux claires et fraîches, dans laquelle j'aimais m'ébattre, filer comme une flèche de bronze sombre. Je regrette de ne plus pouvoir sentir la caresse si douce de cet élément ami et ennemi à la fois, de ne plus pouvoir me battre contre lui, jouer avec lui, courir avec lui dans un lit rempli de poissons, grenouilles et coquillages tous plus délicieux les uns que les autres.
Je ferme brièvement les yeux.
Et en même temps... Petit à petit, j'en arrive à tout doucement apprécier tout les bruits de Londres. A aimer cette vie si agitée et bruissante qui anime les rues. Je parviens timidement à entrer dans cette danse si différente de ce que j'ai toujours connu jusqu'à ce que nous arrivions ici près de deux ans plus tôt.
-Je déteste cet endroit. murmure soudain mon mari, son regard rivé sur l'âtre qui lui fait face, tristement assis dans son fauteuil.
Cette fois je ne lutte pas. Je pose mon instrument et me saisis du dernier jouet que j'ai sculpté avant de venir m'asseoir près de lui.
-Quand nous auront plus de moyens, nous irons nous installer dans un endroit plus proche de la nature. je réponds.
J'examine sous tous les angles le gros ours en bois auquel il manque encore trop de détails. Il me rapelle tante Siobhan, mais en plus flou, plus moche. Il faut que j'affine le cou et les yeux, que j'aplatisse un peu la queue...
-Tu l'as trouvée ? Je lève un regard curieux sur lui.
-La Ligue.Je secoue la tête.
-Pas encore. Elle se fait discrète tu sais. Mais... J'ai encore quelques idées que je n'ai pas testées. -Ne te mets pas en danger Kia. Je secoue la tête.
-Je ne compte pas faire de bêtises. Juste... Jeter un coup d'oeil. -Où ça ? Je souris.
-Tu le sauras bien assez tôt. Je ne peux pas lui dire que je vais aller me promener dans le quartier de Westminster jusqu'à ce que je trouve une fichue porte qui n'existe pas. Il me croirait aliénée. Encore plus que d'habitude, s'entend.
-Soit prudente ma bien aimée. J'acquiesce un peu tristement, penaude d'être incapable de lui rendre tout l'amour qu'il me donne et de la souffrance que cela doit lui causer.
♫♪ You'll hear my prayer
[...]
And if you dance to the moon
I'll be you waiting ♫♪
J'ai réussi. Je l'ai trouvée. La Ligue. Je me suis battue à leurs côtés, une fois. Et… il m'a fallu du temps pour comprendre que c'était la fois de trop.
Il aura fallu que j'en discute avec Cailean, avec Alexan, et surtout, avec Nathaniel, lovée dans ses draps, avant de pleinement réaliser que ma place n'était pas sur le terrain… je suis peut être aventureuse, mais je n'ai pas les épaules suffisamment solides pour être un agent efficace. Une espionne. Alors j'ai fini par me résoudre à me rendre utile ailleurs. Au quartier général. Après un entretien avec plusieurs Haut-gradés, j'ai fini par prendre le poste de bibliothécaire. J'ai commencé à me spécialiser dans les artefacts -après tout, entre le fait que j'adore fabriquer des choses et celui que je porte en permanence à la cheville, c'était le sujet idéal.
Et puis cela me fait penser à Kieran. A mon frère. Qui me manque tant, et qui aurait adoré que je lui parle de tous ces objets magiques et merveilleux. Il aurait aimé Cailean aussi. Je suis sûre que, tous les deux, ils auraient réussi à communiquer. Que Kieran aurait osé lui dire quelques mots. Des mots simples, comme il le fait avec moi. Peut être que le premier aurait été "eau", mon ami sorcier l'aurait probablement arrosé plus d'une fois en le voyant se transformer par jeu, par surprise.
Il aurait adoré Alexan aussi, d'une manière différente. Son côté grosse peluche lui aurait plu.
Mais il aurait détesté Niel.
Peut être que finalement, ce n'est pas si mal si il est loin… ou peut être que non. Je souffre moins de ma séparation avec Althéa… C'est étrange. Alors que nous venons du même ventre… je suis plus proche de mon aîné que d'elle.
Et je suis heureuse. J'ai l'impression d'être enfin à ma place. Enfin entière. Et je suis sûre que plein de nouvelles aventures m'attendent avec tous ces livres à lire, à recenser, à trouver… et parfois à aller chercher chez des particuliers. Toutes ces connaissances rassemblées dans ces simples pages toutes fines et fragiles…. Les meilleures armes du monde.