Cursed Cards  -  Cailean [mission]

cursed cards

Je me contente de hocher la tête lorsqu'il me dit que la rapidité de notre retour sera décidée en temps voulu. Je comprends bien sa volonté de ne pas me malmener plus que nécessaire, mais d'un autre côté, je sais bien qu'il faut que je m'endurcisse un peu, alors...

« Le dessert sera parfait, merci beaucoup, » je souris à l'aubergiste, qui semble ravie que nous ne l'interrogions pas plus avant au sujet de la chapelle.

A mon avis, ce n'est pas auprès d'elle que nous allons récolter la moindre information au sujet de la trentaine de personne qui y sont mortes... Mais peut-être aurons-nous plus de chance avec d'autres villageois, s'ils sortent de chez eux. Nous pourrions tenter de voir s'il y a un pub... En Ecosse, c'était là qu'on trouvait les gens après une journée de labeur, et l'avantage d'un tel endroit, c'est que l'alcool délie plus facilement les langues.

Huck continue au sujet de feu notre mère, et elle lui indique l'église à l'autre bout du village. C'est parfait, ça nous permettra de faire du repérage et de nous familiariser un peu avec les lieux... J'essaye de copier son expression faciale en remerciant à mon tour l'aubergiste -sans pleurer, évidemment, même si mes yeux menacent de se remplir de larmes.

Elle s'éclipse pour nous préparer le dessert, emmenant avec elle nos assiettes soigneusement saucées, et je me tourne vers Huck pour murmurer :

« Il faudrait trouver le pub du village et y aller en fin de journée... Nous aurons plus de chance de tomber sur quelqu'un qui accepte de nous en dire plus. Et puis ça nous laisse le temps d'explorer le reste du village... »

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Vue la tête que fait Huck quand il se tourne à nouveau vers moi, je n'ai pas réussi à dissimuler mes larmes aussi bien que je l'aurais voulu. Mais je ne peux décemment pas les essuyer, alors je fais comme si elle n'existaient pas quand je hoche la tête :

« Je ne serai effectivement pas contre faire une petite sieste, » je murmure timidement. « Ni contre un bain... »

Je sais que me plonger dans l'eau me calmera, apaisera cette tristesse qui commence à me nouer le ventre, et me rechargera aussi énergétiquement parlant -moins que la sieste, certes, mais quand même. Et puis, c'est aussi beaucoup psychologique.

L'odeur des parts de tarte que l'aubergiste pose devant nous réveille à peine mon appétit tant j'ai l'estomac noué, mais je m'efforce de lui adresser un sourire sincère en la remerciant. Et encore plus lorsqu'elle nous dit que chaque chambre possède sa propre salle d'eau. Hm, il n'y aura peut-être pas de baignoire, mais au moins je pourrai me doucher... ce sera déjà ça.

J'attaque mon dessert avec un entrain que je suis obligé de feindre, mais je ne veux pas inquiéter Huck plus que nécessaire donc je me force à manger, jusqu'à finir ma tarte -elle est vraiment bonne, et si je n'avais pas l'estomac aussi noué, je crois que j'en redemanderais une part.

« Oui, ce sera plus prudent de faire ça... Il ne faudrait pas que l'aubergiste se pose des questions, » je réponds sur le même ton, en évitant de croiser son regard.

Je termine ma tarde par le bord de pâte croquant juste ce qu'il faut, et m'essuie la bouche avec ma serviette, n'osant pas éponger mes yeux dont je n'arrive toujours pas à chasser les larmes.

« Dans combien de temps veux-tu partir à l'église ? » je demande sans oser relever les yeux.

Je n'ai pas besoin de faire une longue sieste -enfin, si, mais je ne veux pas retarder la mission juste parce que j'aurai dormi tout l'après-midi-, mais je ne tiendrai pas si je n'en fais pas, même une de vingt minutes.

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Je fais non de la tête :

« Tu peux rester, ça... ça ne me dérange pas. Le bruit ne me dérange pas non plus pour dormir, ne t'inquiète pas. »

Que ce soit à l'hospice ou dans la rue, il a bien fallu que j'arrive à m'endormir malgré le brouhaha ambiant, les conversations environnantes, le bruit des fiacres et des chevaux, sans parler du son de la Tamise même si, dans ce cas-là, c'était plutôt apaisant.

Je suis Huck et l'aubergiste qui nous emmène à la chambre que nous allons occuper. Ce n'est pas particulièrement décoré ni meublé, et un coup d'oeil vers le lit me suffit pour estimer que les matelas ne doivent pas être aussi bons que ceux de la Ligue, mais pour quelques jours, ça sera très bien. Et c'est déjà beaucoup mieux que de dormir sous un pont, alors je ne vais pas me plaindre.

« Merci... »

Imitant mon collègue, je pose mon sac sur le deuxième lit, avant de hocher la tête avec un sourire encore un peu faible :

« Je veux bien oui... merci. »

J'attrape de quoi me changer, et m'éclipse dans la salle de bain. Deux grandes serviettes sont posées sur un tabouret en face du lavabo, il y a aussi un WC... et une petite baignoire. Elle n'est pas aussi grande que celles de la Ligue, mais ça sera très bien pour quelques jours. Je fais immédiatement couler de l'eau brûlante, dégotte en fouillant dans le placard sous le lavabo un pot de sels de bain, dont je jette une poignée dans l'eau, avant de me déshabiller et de m'installer dans la baignoire.

Ca fait un bien fou...

J'essaye d'être raisonnable, alors j'arrête l'eau, et me savonne avec application pour me débarrasser de la sueur et de la poussière du voyage. Je barbote une dizaine de minutes, avant de me résoudre à sortir de l'eau. Je vide la baignoire, me sèche, m'habille de vêtements propres, et retourne dans la chambre.

« J'ai fini... Il y a des sels de bain sous le lavabo, le savon est sur le rebord de la baignoire, et ta serviette est posée sur le tabouret, » j'indique timidement à Huck.

Avant de poser mes vêtements sales sur une chaise et de me diriger vers mon lit, sur lequel je me laisse tomber. Je ne doute pas de m'endormir en quelques secondes dès que je fermerai les yeux, mais je veux attendre que Huck soit dans la salle de bain. Des fois qu'il ait besoin que je lui montre où sont les sels...

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« Ca va mieux, oui, » je souris faiblement quand Huck me pose la question.

Le temps qu'il aille dans la salle de bain, je suis installé sur mon lit, et lorsque j'entends l'eau couler, je m'autorise à fermer les yeux. Il ne me faut pas longtemps pour m'endormir, et si mes rêves sont douloureux -je suis avec maman dans une église en flammes, et lorsque je veux appeler mes pouvoirs pour nous sortir de là, je n'arrive qu'à jeter des flammes du bout de mes doigts, réalisant ainsi que c'est ma faute si nous sommes dans un brasier-, je crois que j'arrive à ne pas trop m'agiter dans mon sommeil.

Enfin, si j'en crois le fait que mes draps ne sont ni froissés ni humides de sueur quand je me réveille.

Huck est installé face à la fenêtre, je crois qu'il est en train d'écrire dans le carnet qui ne le quitte jamais. Alors je prends quelques minutes pour effacer toute trace de mon cauchemar de mon visage, avant de m'étirer en bâillant, puis de me lever.

« J'ai dormi combien de temps ? » je demande d'une voix encore endormie.

J'espère que je ne l'ai pas trop fait attendre, et qu'on n'a pas pris de retard sur la mission à cause de moi. Je m'en voudrais... Il faut sérieusement que je m'endurcisse si je veux pouvoir continuer à servir la Ligue. On ne m'enverra jamais en mission seul si je suis incapable de tenir un ou deux jours sans dormir... Sans parler du fait qu'il va falloir que je réapprenne à maîtriser mon pouvoir, mais ça, c'est un autre problème.

Et puis, maintenant, il faut qu'on aille à l'église... Je ne sais pas comment je me sens à ce sujet. Mais, puisqu'on y va, je prierai pour maman... et pour papa, et pour Eilidh. Je ne suis pas particulièrement croyant, mais tant qu'à être dans un lieu saint, autant essayer.

« On y va ? » je propose timidement.

Même si je vais profiter de notre passage à l'église pour prier pour ma famille, je voudrais mettre cette étape derrière moi le plus vite possible, pour me concentrer réellement sur la mission.

Après tout, c'est pour ça que je suis là.

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Je me mords la lèvre quand Huck commente mon état, qui semble s'être un peu amélioré. Je ne suis toujours pas prêt à aller prier pour mes parents, ni même à faire semblant, mais...

« Ca va mieux, oui, » je répète avec un sourire qui n'est pas particulièrement convainquant, malgré mes efforts.

Imitant Huck, j'attrape mes affaires et m'équipe, et le suis quand il sort de la chambre. Je salue également l'aubergiste, d'un signe de tête, et observe Huck avec attention quand il observe sa main devant le soleil.

« Comment est ce que tu sais ? » je demande timidement.

Il n'a pas de montre sur son poignet, pas de cadran solaire non plus... Ou alors, c'est son instinct d'aventurier qui lui permet de dire ça ? Ou bien c'est une astuce qu'il a apprise lors de ses nombreux voyages...

Nous ne tardons pas à arriver jusqu'à l'église, qui est mangée par des plantes grimpantes et tombe vaguement en ruines, et malgré l'assurance tranquille de Huck -qui se transforme en prudence quand il s'approche-, je me tends. Je ne suis pas retourné dans un lieu consacré depuis... depuis l'enterrement. Et j'ai peur. De quoi exactement, je ne saurais le dire, mais mon ventre se tord et une boule se forme dans ma gorge.

Pourtant, je suis Huck à l'intérieur, ravalant cette peur qui me broie les entrailles. L'église semble un peu mieux entretenue à l'intérieur, mais le toit laisse quand même passer le jour en plusieurs endroits.

« Est ce qu'on peut faire vite ? » je murmure d'une voix tremblante. « Je... je ne me sens pas à l'aise ici, » j'avoue en baissant les yeux sur les dalles disjointes du sol.

La présence de sculptures de Saints qui me jugent du regard n'aide vraiment pas.