Cursed Cards  -  Cailean [mission]

cursed cards

Je fais non de la tête, avant d'observer avec attention Huck replacer sa main, et de l'écouter presque religieusement. Même si ça n'est pas une science exacte, comme il dit, c'est vrai que ça peut être très pratique... dès qu'on a un horizon dégagé. Pas sûr que ça fonctionne au milieu des immeubles de Londres...

Je réponds timidement à son sourire, et le remercie d'un murmure avant de le suivre vers l'église. Puis dans le bâtiment.

Heureusement, il me dit que je peux sortir quand je lui avoue me sentir mal, et je ne me fais pas prier, filant par la porte en m'éloignant un peu de la bâtisse en mauvais état. Il ne faut pas que je pleure, il ne faut pas que je pleure, il ne faut pas que je...

Trop tard.

Je m'accroupis et cache ma tête dans mes bras, luttant pour limiter le nombre des larmes qui commencent à couler sur mes joues. Je m'oblige à respirer lentement, profondément, pour chasser cette boule dans ma gorge. Et quand Huck sort finalement de l'église, je me relève en vacillant, mais le visage sec. Peut-être que mes yeux sont un peu rouges. Mais j'ai réussi à me maîtriser.

Je fais non de la tête en étouffant un sanglot.

« Ne me laisse pas seul... s'il te plaît, » j'implore d'une voix qui se brise sur le dernier mot.

Sinon, je ne pourrai pas me contrôler, et je n'ai pas envie de passer la nuit à sangloter, pas ici. Quelque chose au fond de mon ventre me dit que nous ne sommes pas en sécurité.

« Je... je peux venir à... au pub... ou à la chapelle... »

J'ai une mission à achever, après tout. Pour me prouver à moi autant qu'à la Ligue que je mérite mon salaire, mon gîte et mon couvert, que je ne suis pas juste une cause perdue qui ne vaudra plus jamais quoi que ce soit.

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Je manque de fondre en larmes quand Huck me prend par les épaules, mais arrive par miracle à me maîtriser. Seule ma lèvre se met à trembler, et si sa voix me donne juste envie de me rouler en boule dans ses bras et de pleurer, je me retiens très fort, et hoche vaguement la tête. C'est encore pire quand il me prend par les épaules, mais je tente de mon mieux de faire montre de rien, et le suis jusqu'à l'auberge.

« Merci, » je souffle d'une voix humide quand il m'assure qu'il ne me laissera pas seul.

Au moins, ça me réconforte un peu. J'ai passé tellement de temps seul, dans les rues ou même à la Ligue, à ne pas savoir quoi faire à part pleurer, que l'idée même de la solitude me tord le ventre -et je ne parle pas de cet instinct qui me souffle que je ne suis pas en sécurité ici.

« D'autres astuces comme celle des doigts pour le coucher du soleil, pourquoi pas, » je renifle en essayant d'adopter un ton enthousiaste.

C'est un échec cuisant, mais je ne pense pas que Huck m'en tiendra rigueur. Il est tellement bienveillant et... paternel avec moi.

J'évite soigneusement le regard de l'aubergiste quand nous arrivons, parce que sinon je vais encore me mettre à pleurer et j'aimerais autant éviter. Ca m'apaise un peu de savoir qu'on pourra manger dans la chambre et non pas dans la salle commune de l'auberge... Au moins nous serons tranquilles, et je n'aurai pas à prétendre que je vais bien -enfin, moins que si nous avions dîné avec d'autres gens. Un homme, un vrai, ça ne pleure pas, pas vrai ?

Sauf que j'ai l'impression d'être encore un enfant.

Une fois la porte de la chambre refermée derrière nous, je vais m'installer sur mon lit, et retire simplement mes chaussures pour remonter mes genoux contre ma poitrine en évitant de salir la couverture.

« Désolé, » je souffle. « Je... je ne pensais pas que... que ça me remuerait autant. »

Je ne lui ai pas dit comment mes parents et ma soeur sont morts, et surtout à quel point je me sens coupable de ne pas avoir pu les sauver, alors que j'aurais dû en être capable. Parce que j'ai trop honte d'avoir été si faible... Et si je l'ai dit à Alexan, qui est la seule personne à qui j'en ai parlé, c'était pour qu'il cesse de me dire qu'il y a des choses dans la vie qui arrivent malgré nous, et dont on n'est pas responsable.

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Je fais non de la tête :

« Si je... si je reste sans... sans rien faire, je... je vais recommencer à... à... à... »

Je m'interromps en reniflant alors que nous passons le seuil de l'auberge, et reste silencieux, même quand Huck me dit doucement que je n'ai pas à être désolé d'avoir mal, d'être encore blessé. Je sais, je m'excuse trop, mais j'ai tellement l'impression d'être un poids pour tous ceux qui m'entourent que je ne peux pas m'en empêcher... Nick me le reprochait souvent, d'ailleurs, d'être en permanence en train de m'excuser. Et il arrivait parfois à me faire rire, avec sa grosse voix bourrue mais affectueuse, même si c'était finalement assez rare.

Je sursaute légèrement quand Huck pose une couverture sur mes épaules avec douceur, avant de s'asseoir à côté de moi. Je prends une inspiration tremblante, luttant contre les larmes, avant de hocher vaguement la tête.

« Me... me donner d'autres... d'autres astuces... Comme celle des doigts pour le soleil, » je murmure d'une voix tremblante.

J'ai besoin de penser à autre chose, et je pense que ce genre de sujet sera très bien parce que ça m'obligera à vraiment me concentrer pour retenir tout ce qu'il va me dire, et donc à penser à autre chose qu'à... qu'à moi et à mon histoire.

« Mais... si... si tu veux... savoir... pourquoi je... pourquoi la visite de l'église m'a... autant... autant perturbé... je... je peux te raconter, » je souffle d'une voix éteinte.

Je ne pense pas qu'il réagira mal, qu'il me traitera d'incapable ou de lâche, mais je redoute quand même sa réaction si je lui dis. Je ne sais pas pourquoi...

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Je me recroqueville encore plus sur moi-même, les larmes aux yeux, et fixe un point lointain, le regard dans le vide. Je ne sais pas si j'ai envie de lui en parler ou pas, je ne sais pas si ça me fera du bien ou non -je penche plutôt sur le non, mais au moins je serai, disons, débarrassé de ça... Peut-être même que ça me permettra d'être plus serein en sa compagnie, je ne sais pas. Et même s'il me promet que rien ne changera, j'ai peur qu'il voie en moi le dernier des incapables...

Je sursaute en même temps que Huck quand on frappe à la porte, et déplie mes jambes quand il se lève en essuyant discrètement mes yeux dans ma manche. Il faut que je me reprenne, je ne suis pas ici pour pleurer sur la mort de mes parents et de ma soeur, mais bien pour remplir une mission.

Pour mériter mon salaire...

« Merci beaucoup, » je souffle à l'aubergiste quand elle énonce le menu du soir.

Ca a vraiment l'air bon, et je crois qu'en d'autres circonstances, je me serais précipité sur le bol que me désigne Huck. Mais je suis encore chamboulé, alors je me contente de hocher la tête avec une vague tentative de sourire. Parce qu'il faut bien que je mange, pour reprendre des forces -et puis, un ragoût chaud, ça fait toujours du bien...

Je viens timidement prendre mon bol, et retourne m'asseoir sur mon lit, en tailleur cette fois. Je ne commence pas à manger tout de suite, profitant d'abord du chaud dans mes main, et du fumet qui se dégage du ragoût.

« Je crois qu'il faut que je te raconte, » je finis par murmurer, le regard dans le vague. « Comme ça tu comprendras aussi pourquoi je ne supporte pas le feu... »

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Je reste un petit moment silencieux, le regard dans le vague, essayant de rassembler tout mon courage et toutes mes forces pour arriver à raconter à Huck ce qui s'est passé à Noël dernier, en évitant d'éclater en sanglots si possible...

J'arrive à avaler une bouchée de ragoût, avant de reposer la cuillère dans mon bol et de lever les yeux vers Huck. Sa voix douce et paternelle me donne déjà envie de pleurer, mais il faut que je résiste à l'envie que j'ai de me rouler en boule et de fondre en larmes. Je ne suis plus un enfant...

« Ca va... ça va aller, » je souffle d'une voix frêle.

Je plonge à nouveau mon regard dans mon bol -c'est moins difficile de regarder les morceaux de viande flotter dans leur ragoût que de soutenir le regard de Huck-, et prends une grande inspiration pour rassembler tout mon courage.

« J'étais rentré de Glascow, où j'étudiais la médecine, » je murmure d'une voix éteinte. « Je devais passer deux semaines avec mes parents et ma soeur dans mon village natal, au nord de l'Ecosse... Le matin de Noël, avant que le soleil ne se lève, j'ai été réveillé par l'incendie. »

Ma voix se brise sur ce dernier mot, et il me faut toute ma volonté pour ne pas éclater en sanglots. Mais, courageusement -et parce que je sais que si je m'arrête, je n'aurai pas la force de reprendre-, je continue :

« J'ai essayé de rejoindre ma soeur, de l'aider, parce qu'elle n'avait pas le pouvoir de l'eau comme ma mère et moi... J'ai essayé d'éteindre l'incendie, mais... mais la maison... une poutre m'a assommé, » j'achève d'une voix à peine audible, les yeux pleins de larmes. « Je n'ai pas pu les sauver... »

C'est de ma faute. Si j'avais été plus rapide, si j'avais utilisé tout de suite mon pouvoir... j'aurais pu au moins empêcher la mort de ma soeur.