Doctor Clark's Ballad [PV . Erme / Jon ]

Les dernières lueurs du soleil illuminaient les rues de Londres qui se vidaient peu à peu de ses promeneurs pour laisser bientôt la place aux heures sombres. Les ombres s’accroissant contre le pavé humide donnaient à l’orgueilleuse métropole un aspect bien plus sinistre, particulièrement dans les quartiers les plus pauvres et les plus mal famés de la capitale. C’était pourtant en direction de ces derniers que marchait d’un pas décidé une jeune femme, portant une valise, vêtue d’un tailleur élégant et au visage parfaitement reconnaissable.

Pour tous membres de la Ligue qui passerait par-là, Alva Hennessy semblait particulièrement pressée, courant plus qu’elle ne semblait marcher et consultant régulièrement sa montre gousset, comme si elle ne souhaitait souffrir d’aucun retard de rendez-vous.

Pour le Docteur Jonathan Clark qui se cachait en réalité sous cette apparence, c’était plutôt une précaution vitale afin de s’assurer qu’il restait bien dans les délais de sa transformation et de la mise en place de son plan.

Pour le moment, il pouvait conserver son allure de petite bureaucrate sévère tant qu’il évoluait dans les grandes avenues bourgeoises, mais les choses se compliqueraient davantage lorsqu’il entrerait dans les rues bien moins fréquentées de White Chapel. Surtout en tant que femme seule et détonnant parfaitement par rapport au décor.

Heureusement, Jon était loin d’être une demoiselle sans défense. Il avait par ailleurs prévu le coup afin de pouvoir faire preuve de davantage de mimétisme en fonction des quartiers qu’il traverserait.

Pour ne pas éveiller les soupçons de la ligue, Jon avait fait livrer discrètement tous les vêtements qui lui seraient utiles à diverses adresses selon un parcours parfaitement délimité. Se procurer le tailleur qu’il portait avait été plus délicat. Il lui fallut d’abord user de sa formule pour pouvoir tromper une première fois la vigilance de ses « chaperons » et acheter ce qui lui serait nécessaire en extérieur pour revenir discrètement à son laboratoire au sein de la ligue.

Le scientifique avait ainsi effectué tout le parcours qu’il avait programmé afin de récupérer de quoi garnir sa valise. Tout ce qu’il lui fallait désormais, c’était surtout un endroit isolé et à l’abri des regards afin de pouvoir se changer.

À l’approche de l’East End, il trouva son bonheur et sans perdre plus de temps, il troqua ses habits de femme de bonne éducation pour d’autres collants davantage aux activités notables du quartier : la robe voyante et rapiécée d’une prostituée des bas-fonds. Un peu de crasse sur le visage, un peu dépeignée, un peu de rose sur les joues… Nul doute que la vraie Alva le tuerait sur le champ en voyant la manière dont Jon s’amusait avec son apparence.

Lorsqu’il sortit de sa cachette, l’homme enfant s’amusa d’ailleurs en constatant l’efficacité de son subterfuge. Un homme en haut-de-forme et à la moustache frisottante l’interpellant sans honte.

« Eh ben chérie ! On part en voyage ? T’as p’tet le temps de m’laisser t’emmener au 7ème ciel ? »

Jouant parfaitement son rôle, la fausse Alva répondit alors par une minauderie.


« « Désolé mon lapin, Je ferme les cuisses pour ce soir ! Mais r’passe donc demain ! Y’aura certainement d’la place en gare pour caser ton train ! »

Appuyant son refus d’un baiser soufflé racoleur, la fausse Alva tourna alors les talons et reprit la route.
Il n’y avait plus une minute à perdre pour arriver au laboratoire.

15 Septembre 1901

Cela faisait quelques jours que Lucian était parti. Naturellement, je n'avais pas de nouvelles. Il disparaissait toujours avant de revenir quelques mois plus tard. Si cela ne m'avait pas chagriné jusqu'à présent, cette fois c'était différent. Certes, j'étais prévenue, il me l'avait dit, une attention délicate qu'il n'avait jamais eu, ce qui était plutôt normal puisqu'il ne me devait rien. Maintenant... Moi, en tout cas, j'étais quand même sacrément amoureuse, alors ce départ me laissait un goût amer sur la langue. D'un autre côté, l'avoir tout le temps dans les pattes ne m'aurait pas plu non plus et je goûtais à cette liberté que je conservais pour mener mes petites affaires.

Et puis, j'étais grande maintenant. Ma famille me respectait depuis que j'avais saigné mon frère jusqu'à la mort, les liens avec mes parents étaient plus profonds. J'étais l'unique survivante de leur union, et quelque chose me disait qu'ils avaient de grands desseins pour moi. Je ne les avais pas attendu pour mener ma barque comme je le sentais de toute façon, rongée par mon ambition, mes envies, le pouvoir un peu fou qui se déchaînait en moi.

« Ne cherche pas à me contredire Schatten. » murmurai-je pour moi-même, ou plutôt pour mon alter égo ombrageux que je sentais remuer sous ma crâne.
{ Je prenais plutôt ça pour un compliment ma rose trémière. }
« Tant mieux, car c'en était peut-être un en effet. »
{ Toi et moi nous sommes destinées à de grandes choses, tu le sais.}
« Je sais... »

Aucun doute là-dessus. Une sorcière comme moi ne pouvait pas rester en retrait de ce monde. Certes, j'étais de celles et de ceux qui étaient prédestinés aux ombres, mais l'ombre était toujours plus forte en pleine lumière quand elle se dessinait distinctement sur le sol. J'étais le monolithe qui se dressait dans la clarté tandis que toi, Schatten, tu étais cette ombre pernicieuse et puissante qui nous donnerait le pouvoir.

Il y avait aussi les affaires avec Lucian. Le dragon avait des serviteurs bien qualifiés qui faisaient ses basses besognes avec une efficacité toute... sadique. J'espérai que mon amant ne voyait pas en moi une future recrue, mais contrairement à cette sorcière de feu qu'il avait embauché, je n'avais rien signé, moi. Non, j'étais une pièce spéciale dans son échiquier. Laquelle ? Je ne savais pas encore, bien que je me voyais déjà en reine, naturellement.

« Alva ? »

Interloquée, j'observais passer la fille Hennessy tandis que je me tenais en retrait dans un coin, plongée dans les ombres qui constituaient mon linceul protecteur.
Interloquée était un doux euphémisme. Alva se promenait dans cette rue comme une vulgaire catin. Pire que ça en fait... Même les catins semblaient mieux présenter ! Cette robe rapiécée lui donnait des airs de ribaude à un sous, ce maquillage dégueulasse était à la mode chez la dernière des cocottes de cabaret, cette coupe de cheveux ferait rougir n'importe qu'elle gaupe de bagnes, quant à sa réponse à cet homme rendrait folle de jalousie  une michetonneuse de bordel.

« Alva... »

Même moi, la dépravée des Von Windisch-Graetz, la débauchée des sorciers des ombres, la cochonne immorale et impure qui avait fait plus de saloperies avec ses fesses que le diable, même moi je fus choquée.

Ce n'était pas tant l'allure que les propos, cela se résumait à un mot, tout simple, qui voulait tout dire : Alva.

Et ce baiser soufflé susceptible de ravir le rôle de tenancière à la première des béguineuse d'une maison close ?!!

Je devais en savoir plus. Comment Diable Alva pouvait s'abaisser à ça ? Etait-elle sous couverture d'une enquête policière ?! Assurément, je ne voyais que ça. Ma bouche fit un peu "oh" de surprise tandis que je commençais à cerner ce qu'il se passait. Elle était infiltrée dans les milieux de la prostitution pour une enquête ! Peut-être qu'elle cherchait à avoir un client bien spécial pour l'arrêter ? Peut-être qu'elle cherchait quelqu'un en particulier ? La machine à fantasmes qui me servait de cerveau était en branle, et pour la satisfaire, rien de plus simple. Suivre mon amie, suivre ma sœur de cœur.

Et ainsi, faire la lumière sur son comportement, sur ce comportement que je ne lui connaissais pas, elle qui était si guindée, coincée, fière, ... Non, je ne la verrai jamais plus pareille.

Alors, peu désireuse de me faire voir au cas où, je restais tapis dans les ombres et je me faufilais à sa suite, usant de coin et recoin pour me tapir dans l'obscurité des mes amantes. Son comportement ne ressemblait cependant pas à celui d'une prostituée. Elle évitait les gens, n'hésitait pas à s'engouffrer dans des ruelles pour esquiver des passants aperçu plus loin. Elle ne racolait pas, ses cuisses étaient bien fermées pour ce soir. Cependant, elle avait clairement un objectif, ce qui renforçait ma conviction qu'elle était grimée pour un quelconque besoin lié à son métier d'enquêtrice. Quand elle me disait qu'elle faisait des choses surprenantes ! Je n'aurai pas pensé à ça.

Nous traversions Whitechapel ainsi, jusqu'à ce qu'elle s'arrête devant un bâtiment. Elle en avait apparemment la clé. J'hésitais à m'engouffrer à mon tour à l'intérieur. Autant lui laisser un peu d’avance et la laisser faire.

La fausse Alva était entrée dans une maison à l’allure assez simple, mais fonctionnelle, plutôt bien tenue par rapport au quartier. Un salon, une cuisine, une chambre une salle d’eau, des meubles en bon état et fonctionnels, un papier peint, pas trop mité, et chaque fenêtre arborant des fenêtres et des rideaux soigneusement fermés. Consultant une nouvelle fois sa montre, elle alluma les lampes à pétrole du salon, avant de se diriger vers la chambre à coucher et faire de même. Là elle enleva sa robe qu’elle dissimula dans l’intimité d’une armoire avant de s’admirer nue devant le miroir avec un petit sourire satisfait. Sans aucune pudeur, elle retourna alors en direction du salon pour y ouvrir sa valise. Là elle regarda une nouvelle fois sa montre puis sortit un pistolet injecteur dont elle envoya le contenu directement dans sa carotide.

Le docteur Clark reprit alors sa forme naturelle. Ou plutôt la forme dans laquelle il était prisonnier et qu’il avait désormais faite sienne. Il sortit alors son costume de sa valise et s’habilla prestement, prenant à peine le temps de nouer correctement sa cravate. Un laisser-aller absolument inadmissible en temps normal pour lui. Il consulta une nouvelle fois sa montre… Visiblement cette préoccupation pour le temps qui s’égrainait n’était pas uniquement en lien avec sa transformation.

Le visage fermé, il examina avec attention les capsules dissimulées dans le double fond de sa valise et en choisit une bien particulière, qu’il prit le temps d’examiner à la lueur de la lampe. Puis il chargea cette dernière dans son injecteur qu’il rangea à l’intérieur de sa veste.

Reprenant sa valise, il descendit ensuite une série d’escaliers menant à ce qui devait être là cave. Là il arriva devant une lourde porte en acier qui semblait ne rien avoir à faire là. C’était le véritable objet de la visite de Jon qui se chargea d’ouvrir l’obstacle en enfonçant une pierre bien spécifique dans le mur. La lourde porte se souleva et des lampes à la conception inconnue pour l’époque se mirent à éclairer un vaste laboratoire à l’allure sinistre, de leur lueur blanche et blafarde. Comme un employé entrant dans son lieu de travail, le scientifique passa alors une blouse accrochée à l’un des portes-manteau de l’entrée.

La pièce pouvait rappeler les plus grandes heures de gloire du Docteur Frankenstein. Partout des étagères, des machines étranges et électriques évoquant les pires engins de torture qui puisse se concevoir, une grande table de dissection, une vaste table d’expérimentations, des produits inconnus, du matériel de chimie… Partout dans les rayonnages, des collections de bocaux, tous emplis de substances qui avaient été probablement vivantes autrefois, mais aujourd’hui à l’allure indescriptible, des membres sectionnés, des organes, des fœtus… pas toujours humains…

Aucune émotion ne se reflétait sur le visage de l’homme-enfant dont l’apparence juvénile tranchait littéralement avec ce musée des horreurs qu’il était en train de traverser.

Arrivé au niveau de la zone d’expérimentation, il ouvrit un coffre-fort à l’aide d’une combinaison connue de lui seul afin d’en révéler le contenu. Il sortit alors une série de contenants en verre ainsi que divers carnets qu’il s’empressa de placer bien en sécurité dans sa valise avant de la verrouiller.

Il regarda enfin une dernière fois sa montre. Il poussa un soupire, puis il entreprit de faire le tour du laboratoire, enclenchant plusieurs leviers faisant visiblement grimper la tension électrique au cœur même du laboratoire, en témoignait le clignotement soudain des lampes, poussant d’ailleurs certaines d’entre elles à l’explosion. Il ouvrit ensuite un tableau métallique au mur dont il regarda une série de chiffres défiler vers un nombre toujours plus grand. Il regarda une nouvelle fois sa montre…

Il se dirigea alors une nouvelle fois vers sa table d’expérimentation et de chimie. Là, il commença à manipuler les alambics et les produits, dans l’intention évidente de préparer une formule.

Alors qu’il était affairé, il put entendre la lourde porte du laboratoire s’ouvrir derrière lui. Mais curieusement l’homme-enfant ne sembla pas y prêter attention. Pas plus qu’il ne prêta attention aux pas de plusieurs personnes qui claquaient dans son dos et qui se rapprochaient de plus en plus de lui.

En fait il ne se décida à se figer que quand le cliquetis caractéristique d’un revolver que l’on arme raisonna à travers la pièce. Une première voix se fit alors entendre.

« La Chignole nous avait pourtant dit 18h00… »

Une autre voix enchaîna ensuite.

« C’est Bucky… L’assistant du Dr Clark. C’est lui qui vient récupérer les commandes ! »

La voix de l’homme portant le revolver enchaîna alors d’un ton calme, sans pour autant soustraire sa menace envers le gamin.

« Où est ton patron Bucky ? »

Ses gestes toujours suspendus, Jon avait bien du mal à dissimuler la tension qui l’envahissait. Pourtant, c’est un sourire audacieusement provocant qui vint enjoliver sa réponse.

« Samuel Rockwell et ses boys. J’aurais été extrêmement contrarié que vous ne soyez pas ponctuel »

Alva était entrée dans une maison. Ainsi, son chemin s'arrêtait là pour ce soir. Est-ce que c'était là le but de sa destination ? Sa planque ? L'endroit qu'elle voulait visiter sans attirer l'attention ? Devait-elle rencontrer quelqu'un ? Oh ? Mais si c'était un client qu'elle devait voir sous son apparence de puterelle ? Un client qui pensait avoir à faire à une vraie ? Est-ce qu'elle pousserait le vice à coucher avec lui pour avoir des informations ? Pour le fidéliser dans son réseau d'indic ? Tant de questions, que je ne pouvais me poser qu'à moi-même...

{ Nous pouvons en discuter si tu le souhaites.}
« Tu n'es pas une grande admiratrice d'Alva. »
{ Je ne comprends pas ce que tu lui trouves.}
« Elle pourrait être la grande sœur que je n'ai jamais eu. C'est d'autant plus vrai depuis la mort de Ludwig. »
{ Je ne compte donc pas...}
« Tu ne te considères pas comme ma sœur. »
{ Je suis ta jumelle, ton alter égo d'ombres. Crétine.}
« Vraiment ? »
{ Tu le fais exprès ou tu as bu ? Aurais-je raté un instant de notre vie commune ce soir ?}
« Mais... Tu ne l'as jamais dit en ces termes. »
{ Tu es sotte.}

Je croisais les bras, considérant ma relation avec Schatten, cette voix intérieure, que chacun entendait dans la famille et qui lui était propre. C'était une source de pouvoir chez les Von Windisch-Graetz. Cela faisait longtemps que tu m'accompagnais maintenant, bien plus longtemps que chez certain, mais cela tenait au fait que j'étais puissante parmi les miens. Je l'avais prouvé il y a pas si longtemps.

J'en portais encore les marques et les blessures, même si elles cicatrisaient bien. Quelle journée effroyable si on y repensait. J'aurai pu être Alva depuis. Une pute dans un bordel, souillée par des clients, méprisée par mes collègues, exploitée par ce gang. Certes, je ne serai pas restée inactive à attendre qu'on me fasse les quatre cent coups. J'avais commencé directement par essayer de prendre le pouvoir parmi toutes ces gaupes, et mon sein me faisait encore mal. Cette salope de meneuse avait essayé de me faire plier en me tordant le téton comme une forcenée. A part des larmes que je n'avais pas pu refouler, je n'avais pas plié le genou. Ermelinde ne plie pas le genou, surtout pas de douleur. Qu'on se le dise.
Et puis j'avais du tuer mon frère. Je ne le regrettai pas. C'était la faute de mes parents. Cette journée avait été riche, trop riche. Et Lucian me manquait déjà. Fichtre.

« Je suis désolée. Je pense que j'en avais conscience, mais que je te voyais plus comme une partie intégrante de moi-même. »
{ C'est normal, nous sommes jumelles.}

Oui enfin tu m'avais compris. J'allais répondre d'ailleurs dans ce sens mais quelqu'un m'interrompit.

« A qui vous parlez m'dame. »
« Hum ? Plaît-il ? »

Il sortait d'où ce gars là. J'étais appuyée de façon nonchalante sur le mur qui faisait face à la maison dans laquelle Alva était entrée. Je me redressais pour me remettre d'aplomb, j'étais une lady quand même, pas une maquerelle.

« Je vous ai entendu parler, mais vous êtes seule. »
« En effet monsieur, je suis seule, et je ne parlais pas. J'espère que vous ne comptez pas me créer des problèmes. »
« N'est-ce pas vous qui vous en créez en vous promenant seule sans chaperon dans ce quartier ? »
« Et donc, vous vous proposez de me chaperonner ? »
« Tu as tout compris ma jolie. »
« Voyez vous ça. Nous sommes familier maintenant. »

Je gloussais pour ponctuer ma remarque et je me tournais plus franchement vers lui. Je ne l'avais pas vu arriver parce que je discutais avec mon alter égo d'ombres. Il venait sans doute de la ruelle juste à droite, un peu plus loin.

« Aller, viens par là, il ne faut pas rester dans les environs. »
« Je n'irai nul part, et je peux crier très fort. » Premier avertissement mon ami.
« Il ne faut pas le prendre comme ça. »
« J'ai un ami dans cette maison, et il ne va pas tarder à me rejoindre, je vous conseille donc de vous en aller. J'ai parfaitement le droit de me promener où je veux et d'attendre qui je veux. »
« Dans cette maison là bas. »
« En effet. »
« Ah... »
« Quoi... "ah" ? Cela vous pose un problème ? »

Je ne pouvais pas lui dire que l'ami en question était une femme sous peine de perdre en toute crédibilité. Une femme ou deux femmes, il s'en serait bien moqué. Un homme, c'était une autre paire de manches. Je ne m'attendais pas à ce qu'il m'empoigne durement par le bras cependant.

« Oui ça me pose un problème. Ramène toi. »
« Non. » feulai-je.

Il m'imposa une traction plus forte qui fit grincer mon épaule et qui me fit faire quelques pas dans la rue à son côté. La rue était d'ailleurs déserte à cette heure là, crier ne ferait rien de plus, a part peut-être ameuter tout le monde. Mais je ne pouvais pas faire capoter l'opération d'Alva !! Tant pis... Je devais agir moi-même et cela... m'enchantait.

« Je vous donne deux secondes pour le lâcher sinon je vous tue. Si vous êtes de la police et que vous couvrez votre amie, alors lâchez moi, je la connais ! »
« Ferme là ! »

Il ne pourra pas dire que je ne l'avais pas prévenu comme ça. Cela le fit rire et il tira un peu plus brutalement sur mon bras, ce qui manqua de me faire tomber et de me faire traîner. Très bien. Il m'emmenait vers la ruelle, non loin de là. J'attendais que nous nous y trouvions pour faire noircir mon regard, captant les ombres dans les environs.

« Je te l'ai demandé gentiment, je vais être nettement moins gentille maintenant. »
« Que... ? » s'exclama-t-il en reportant son regard sur le mien suite à ma remarque. Sa prise se fit plus molle sur mon bras, me laissant apercevoir les marques rouges de ses doigts. J'allais encore avoir un bleu.

Ni une ni deux, je le faisais reculer jusqu'à ce qu'il soit contre le mur derrière lui. Il n'avait pas le choix. Je contrôlais son ombre. Si cette dernière pouvait suivre un corps à la perfection, l'inverse était vrai. Il était blême et il tenta bien de parler mais je ne lui laissais pas le temps de s'exprimer autrement que par un cri alors que je sortais ma petite dague planquée dans mes frusques, et que je la plantais à deux reprise dans sa poitrine, créant deux fleurs de sang sur sa chemise sale.

« Je t'avais prévenu. » grognai-je. Il glissa le long du mur. J'avais envie de le planter encore et encore, mais si je voulais voir Alva, je devais être propre. M'acharner sur lui me couvrirait de ses fluides. J'en rêvais. J'en crevais d'envie. Mais je ne pouvais pas. Non.

{ ERMELINDE, arrête ! Il est mort de toute façon !}

J'arrêtais mon geste. J'allais céder, je le savais, je voulais juste voir plus de sang. Je poussais un petit soupir en m'écartant du corps sans vie. Enfin sans vie... Il était en train de s'étouffer dans son sang. Je m'accourpissais alors qu'il avait la volonté de lever les yeux vers moi. Pauvre ère. J'essuyais la lame sur sa chemise avant de me redresser, n'ayant aucune once de pitié ou de remords. Je t'avais prévenu...

Je le tirai dans la ruelle pour le cacher sous des tas d'immondices, et je retournais près de mon poste d'observation de la maison. En fait, j'allais rentrer dedans et aller fouiller. Ce type m'avait fait perdre du temps ! Je me dirigeais donc vers l'entrée en traversant la rue.

Parfaitement figé dans son geste par l’intervention du dénommé Samuel Rockwell, Jon ne semblait pas particulièrement effrayé par la menace de l’arme pointée droit sur sa nuque. Au contraire, il affichait toujours ce sourire de défi qui seyait si mal au visage d’un petit garçon aux prises avec ce qui avait tout lieu d’être de dangereuses personnes.

Très calmement, il répondit alors au chef de ses visiteurs, sans non plus chercher à se retourner, ni poser les alambics qu’il avait toujours en main.

« Je peux sûrement vous le dire maintenant, mais La Chignole est mort il y a plus d’une semaine ! »

Cette réponse qui n’avait rien à voir avec sa question eut le mérite de surprendre complètement le mafieux. Mais qu’est-ce que racontait ce morveux ? La Chignole, il l’avait vu il y a encore deux jours. C’était lui qui l’avait informé du retour de Jonathan Clark, le poussant à se déplacer en personne pour lui faire la peau et récupérer l’argent qu’il avait investi pour ses trafics illicites.

Ce gamin se foutait-il de lui ? Celui-ci eut bien la réponse à sa question, mais pas de la manière attendue. À peine Rockwell s’apprêtait-il à l’ouvrir pour confronter l’insolent jeune homme, que ce dernier déverrouilla soudainement son poignet pour laisser tomber le contenu de son tube à essai dans le bécher face à lui.

Jon eut juste le temps de retenir sa respiration qu’une violente fumée se mit alors à brusquement à jaillir pour envahir l’espace environnant, surprenant complètement les criminels à l’intérieur. Se saisissant d’un masque à gaz sur la table, l’homme-enfant parvint alors à s’extraire de sa position, pour sauter derrière un bureau en métal et enfiler l’accessoire de survie à son visage, esquivant de peu d’ailleurs les tirs des gangsters, furieux de s’être laissé berner.

Eux malheureusement n’avaient pas eu la présence d’esprit de retenir leur respiration… Ce n’est que lorsqu’ils sentirent une brûlure atroce parcourir leurs voies respiratoires qu’ils comprirent. Trop tard…

Lâchant leurs armes, tous les trois ne pensaient plus désormais qu’à une seule chose : sortir de cet enfer brumeux qui avait déjà rempli toute la pièce. Toussant à en cracher leurs poumons, les yeux brûlés par les gaz, le trio tenta de se jeter contre l’unique issue du laboratoire, pris par l’énergie du désespoir. Malheureusement ce ne fut que pour constater que la lourde porte métallique s’était verrouillée derrière eux, scellant leur destin.

Enfin, pas tout à fait pour Sam Rockwell… Surgissant tel un affreux petit diable des volutes de fumée, Jon venait d’atterrir sur le dos du chef de gang et s’y agrippait désormais fermement dans une sorte de rodéo grotesque, son masque à gaz dissimulant son sourire maléfique, mais ne masquant nullement son regard triomphant. Rageusement, le scientifique leva alors le poing, prêt à poignarder sa victime à l’aide d’une seringue qu’il conservait spécifiquement pour l’occasion.

« Reste en vie encore quelques secondes mon p’tit Samy ! »

Le gamin planta alors son arme dans la carotide du criminel et y injecta le contenu avant de lâcher prise et d’en regarder l’effet avec une satisfaction certaine.

Tout en se tordant de douleur Rockwell pouvait alors assister aux phénomènes étranges qui frappaient son corps. Il pouvait sentir tout son corps en ébullition et en mouvement pour devenir… autre chose. Ses mains, sa stature, tout semblait changer à vue d’œil, dans une douleur qui se couplait à celle du poison qui se répandait déjà dans son corps. Il voulut ramper pour s’enfuir, s’agripper à une étagère pour tenter de se remettre debout. Il y parvint presque… Mais l’effort était vain. Alors que la vie le quittait, la dernière vision de Samuel Rockwell fut le visage de Jonathan Clark, adulte, dans le reflet d’un récipient chromé, en lieu et place du visage qui aurait dû être le sien.

Sous le choc, il laissa échapper un râle de terreur, puis s’effondra. Comme ses deux comparses d’ailleurs qui avaient au moins eu le mérite d’être un peu moins turbulents dans leur agonie.

Bon débarras.

Jon, très calmement ramassa alors un des révolvers qu’il coinça derrière lui, dans sa ceinture, après s’être assuré qu’il était bien chargé. Il sortit ensuite un portefeuille contenant vraisemblablement ses propres documents d’identité qu’il plaça à l’intérieur de la jacket du faux Jonathan Clark, figé pour l’éternité dans cette nouvelle apparence.

Enfin, l’homme enfant prit sa valise ainsi que tous les éléments qu’il était venu récupérer, avant de se diriger vers la porte de sortie. Là, après avoir ouvert le sas, il enclencha un dernier levier sur le mur, déclenchant toute une série d’étincelle et d’éclairs qui commencèrent alors à embraser la pièce. Le calme de Jon jurant totalement avec l’apocalypse qui commençait soudainement à se créer dans le laboratoire.

Tout en remontant les escaliers, il se débarrassa de son masque à gaz, puis sortit complètement de la maison, valise en main, comme un simple petit voyageur.

Pourtant, la main portée dans son dos et déjà prête à sortir l’arme qu’il avait récupérée témoignait d’une certaine anxiété qui l’habitait désormais.

Après avoir regardé à gauche, puis a droit, il prit une inspiration un peu soulagée, puis commença à s’avancer prestement dans la grand-rue qui faisait face à son logement. Là, il consulta une dernière fois sa montre, et se sentant –bien qu’inexplicablement- à l’abri de toute nouvelle attaque de gangster, il prit le temps de se retourner pour jeter un dernier regard à son ancienne habitation… qui s’embrasa alors soudainement en une violente explosion.

Finalement, je restais dans la ruelle pour ne pas me faire voir de ce jeune homme qui venait de sortir du bâtiment où se trouvait Alva. J'attendrai qu'il s'éloigne pour m'y introduire et la chercher. En me tapissant dans les ombres, je pourrai l'espionner sans me faire repérer et en apprendre un peu plus sur elle. Et puis, si je voulais écrire des romans, je pouvais aussi m'inspirer d'un travail de police de ce genre là ! Ce serait vraiment palpitant de transcrire cela sur papier et d'en faire une belle histoire qui tiendrait en haleine les lecteurs. J'étais certaine qu'Alva détesterait l'idée, mais elle n'était pas obligée de savoir que je l'avais vu ce jour-ci. Bien sûr, je feindrai tout en bloc si jamais elle devait m'interroger sur la provenance de l'idée de base.

{ Commence déjà par te marier et gagner ton indépendance pour de bon avant de prévoir des plans sur la comète.}

Rabat-joie. Nous venions de tuer un homme, tu devrais être un peu plus contente quand même ! J'avais déjà tué des hommes de sang-froid il y a quelques jours, et je trouvais que je prenais un petit rythme exponentiel dans les cadavres que je laissais derrière-moi. Il allait quand même falloir que je fasse attention à ne pas me faire pincer par la police en m'emportant de la sorte. Mais il fallait reconnaître que cet homme ne nous avait pas laissé le choix de part son comportement.

« Mon indépendance est toute acquise depuis la mort de mon fre... Qu'est-ce qu'il fait ? » m'interrogeai-je dans mon murmure, en voyant le jeune homme se tourner vers la bâtisse. Ne pouvait-il pas déguerpir et me laisser la place ?

Soudainement, le bâtiment s'embrasa. J'écarquillais les yeux d'horreur certaine en voyant les flammes lécher la façade par les fenêtres qui avaient éclaté sous l'explosion.

« Alva... Alva est toujours dedans ! » m'affolai-je en portant la main à ma bouche. Je devais agir vite. Ni une ni deux, je sortais de la ruelle pour traverser la route en gueulant :

« Alva !!! » Je passais en trombe à côté du gamin, m'arrêtant devant l'entrée qui était déjà dévorée par les flammes, me barrant le passage. Il allait falloir que je négocie mon passage pour trouver les ombres et avancer de cette façon dans ce qui ressemblait déjà à une fournaise. Je me tournais vers le garnement en costume, tandis que la sueur perlait déjà de mon front, maintenant que j'étais proche de la chaleur vivace du brasier.

« File avertir les pompiers, mon amie est dedans ! » dis-je impérieuse en tendant un index vers la rue pour qu'il dégage faire ce que je venais de lui dire. Pour ma part, j'avais besoin que l'endroit soit libre de témoin pour m'y ruer par le biais de ma magie sur les ombres.

Tant d’années d’efforts et de travail acharné pour construire ce laboratoire qui se retrouvaient réduits à néant en l’espace de quelques secondes. Jon avait beau ne pas être particulièrement émotif, cela faisait tout de même quelque chose de détruire soi-même le fruit de ses efforts.

Mais l’heure n’était pas au sentimentalisme mièvre. Tout ceci était nécessaire. À présent qu’il était dans la ligue, il avait pleinement les moyens de poursuivre ses recherches tout en restant dissimulé aux yeux du monde.

Cet endroit et les secrets qu’ils renfermaient étaient désormais bien trop dangereux et connus de bien trop de personnes peu recommandables pour pouvoir rester en l’état. S’il ne réglait pas définitivement ses casseroles, cela aurait risqué de se retourner contre lui plus tard. Voire contre ses collègues de la ligue et pourquoi pas le monde s’il se trouvait quelqu’un d’assez intelligent pour exploiter ses recherches ? Cette pensée lui était justement inacceptable.

Le bâtiment brûlait bien, mais les corps dans la cave devraient aisément être identifiables pour des légistes aguerris. À partir de ce jour, le Dr. Jonathan Clark, 35 ans, porté disparu, serait officiellement déclaré mort. Et c’était sans doute mieux ainsi…

À présent, il pouvait pleinement se consacrer à ses recherches et à sa place au sein la ligue. Même si cela signifiait passer d’abord par la case prison après sa petite escapade meurtrière du jour, et affronter la fureur du paternel Hennessy et surtout celle de son impitoyable rejeton dont il avait usurpé l’apparence…

Et quand on parlait du loup…

Un éclair fugace et obscur venait de passer juste à côté du lui, en implorant le nom de celle qui justement occupait sa pensée.

Qui était-elle ? Il avait été suivi ?!

Juste sous ses yeux, une jeune femme venait de se planter devant la maison, la mine catastrophée et semblant désespérément chercher un accès dans la fournaise.

C’était un impondérable de taille. Jon ne pouvait certainement pas se permettre de laisser de témoins derrière lui. Son premier réflexe fut alors le plus logique et le plus terrible en l’état de la situation. Sans cérémonie, il dégaina son revolver et mit en joue l’intruse qui lui tournait le dos.

Il venait déjà d’enclencher le percuteur, quand il eut un instant de paralysie… Pouvait-il réellement abattre de sang-froid un individu désarmé et qui lui tournait le dos ?

Non… Il avait beau se savoir antisocial de manière probablement pathologique… Il avait beau ne rien ressentir face à la notion de bien et de mal… Il était encore en mesure de faire la différence.

Là, ça allait trop loin…

Alors il désarma le percuteur de son arme, puis la dissimula de nouveau derrière lui. Bien lui en prit d’ailleurs puisque la jeune femme se retourna à peine une seconde plus tard pour accourir vers lui et lui sommer d’aller prévenir les pompiers.

Il allait lui falloir réfléchir vite et improviser…

«Alva ? Elle est partie depuis un moment déjà ! Faut pas restez-là, c’est dangereux, venez m’dame ! »

Prenant la main de la demoiselle il se mit alors à l’entraîner vers d’autres ruelles où l’espérait-il, ne l’attendaient pas d’autres membres du syndicat de Sam Rockwell
La sentant réticente à aller plus loin il s’arrêta alors un instant dans un coin de rue, disposé à répondre aux interrogations qu’elle avait certainement.

« Vous connaissez Alva ? Je suis Bucky, son indic’ ! vous n’avez croisé personne de louche en venant ici ? »

« Une minute papillon... » ralais-je en tirant sur ma main pour ne pas le suivre sans rien dire. Je ne l'avais pas vu ressortir, elle était forcément restée dedans. Pourquoi est-ce qu'il voulait m'éloigner ? Je n'avais pas de temps à perdre à discuter. Ne pouvait-il pas faire ce que je venais de lui demander ?

« Je connais Alva oui. C'est mon amie, je te l'ai dit. »

Je pointais mon index sur lui avant de venir le percuter du bout de ce dernier, au niveau du torse. Mes yeux étaient tout aussi incisifs que ce doigt brandi.

« Je ne l'ai pas vu ressortir, alors j'espère pour toi que tu ne me mens pas, Bucky. »

Je faisais exprès de peser sur son patronyme pour bien insister et faire planer un semblant de menace. Je m'éloignais d'un pas, le laissant respirer, tout en me mordant la lèvre inférieure, partagée entre l'idée d'aller explorer le bâtiment moi-même et celle de croire qu'il y avait une autre sortie, par derrière par exemple. Mon regard alla du côté de la rue principale avant de revenir sur le garçon.

Et ce jeune homme semblait plus préoccupé de m'éloigner et de me demander si je n'avais pas vu de type louche dans le coin, question à laquelle je n'avais pas répondu précisément parce que j'en avais vu un et que j'avais dû le tuer. J'étais certes une petite excentrique, pas toujours maligne, mais je n'allais pas lui déclarer de but en blanc "oh si, juste là bas, il dort pour toujours, ça te rassure, Bucky ?

Du coup, il me paraissait plus suspect qu'autre chose, là tout de suite.

« Est-ce que tu me mens.... ? j'approchais avec ma question sur les lèvres pour envahir de nouveau son espace personnel quelque peu t de répéter, en insistant sur la fin de ma question : « Est-ce que tu me mens, petit Bucky ? » Sans trop le vouloir, sous le coup de la colère, partagée entre l'envie de me jeter là-dedans et celle de lui tirer les vers du nez, une ombre passa dans mon regard, le voilant quelques secondes.

Un peu plus loin, les crépitements des flammes qui dévoraient le bâtiment se faisaient encore entendre. Le feu était un élément destructeur et gourmand. On pouvait le croire silencieux, mais c'était comme un coup de vent qui dure, qui dure, qui dure. Si Alva était pour de bon là-dedans, il y avait peu de chance qu'elle soit encore vivante. Il avait intérêt à répondre rapidement et à être convaincant.

Évidemment, cette foutue trouble-fête n’allait certainement pas se laisser duper aussi facilement… J’on allait devoir développer des trésors d’imagination pour monter une faribole cohérente à lui raconter… En espérant que cela soit suffisant pour la faire se barrer.

Malheureusement, ce n’était ni le lieu ni le moment pour se lancer dans le spectacle d’improvisation. La seule chose sur laquelle il n’avait pas menti, c’était bien la présence plus que probable du reste de la bande de Sam Rockwell, qui ne manquerait pas de se pointer avec le feu d’artifice qu’il venait de déclencher.

Par-dessus le marché, la demoiselle voulait se la jouer menaçante. La posture, le ton de la voix, tout y était jusqu’au regard n…

*OH PUT… Mais qu’est-ce que c’est que ça !*

Non Jon ne rêvait pas et celui-ci ne put contenir un recul de surprise. Cette espèce d’hystéro-gothique venait bien de lui faire une version littérale de l’expression « jeter un regard noir » !

Il y a de cela quelque temps encore, au début de ses recherches, il n’y aurait probablement pas prêté attention… Peut-être aurait-il simplement accusé ses propres sens de lui jouer un mauvais tour. Après tout… Il devait bien admettre qu’il était suffisamment porté sur la boisson et les opiacés pour que sa conscience du réel ou non soit altérée. Mais justement, depuis il avait perfectionné sa formule. Son corps était un modèle de régénération cellulaire. Il était passé de l’autre côté du miroir pour découvrir le monde inconnu du grand public et avait de plus intégré la Ligue, le rendant désormais à l’affût du moindre signe.

Celui-ci en était un. Il en était convaincu. Ainsi, en moins de temps qu’il n’en fallut pour résumer sa pensée, Jon fit sortir une seringue de sa manche, déjà prêt à planter par surprise la demoiselle pas si innocente, pour l’endormir et en faire son prochain sujet d’étude.

Malheureusement, ou peut-être d’ailleurs heureusement pour lui, les évènements ne lui laissèrent pas le temps de mettre son plan en application. Surgie du coin de la ruelle, une voix rocailleuse vint interrompre ce moment de tension chargé de romantisme entre le scientifique et son futur cobaye.

« là, il est là ! Et il n’est pas seul »

En lieu et place de seringue, c’est donc un revolver que sortit Jon pour tirer sans hésitation ni la moindre once d’émotion sur son visage. Touché en pleine tête, l’homme qui avait lancé l’alerte, à la mine patibulaire, et portant un chapeau melon, s’écroula immédiatement.

À sa suite, un autre homme vêtu de noir surgit à son tour du carrefour. Visiblement fort en colère de découvrir ainsi son comparse, celui-ci s’avança alors en brandissant un couteau ayant tout du substitut phallique.

À leur opposé, à l’autre bout de la rue, un autre groupe d’homme faisait son apparition et s’approchait désormais du duo après l’avoir repéré. Visiblement, Sam Rockwell avait jugé utile de ramener le gros de sa bande. Que d’honneur pour un seul homme et une simple histoire de service qu’il ne désirait plus rendre !

Rompant quelque peu son sang-froid, l’homme-enfant laissa cette fois-ci échapper une grimace, trahissant son manque de solution.


C’est donc avec un aplomb extraordinaire qu’il misa sur ce qui avait tout lieu d’être un coup de Poker

« Très bien, je ne suis pas ce que laisse supposer mon apparence.
Si, comme je le pense, c’est aussi votre cas, c’est le moment où jamais de briller… Ou l’inverse ! »  

Ce quartier était décidément plus animé qu'une touffe de gaupe atteinte de morpions ! Qui venait encore m'embêter alors que je cuisinais ce garçon de bonne famille ? Qui ? Je me tournais vers l'inconnu qui semblait en avoir justement après mon coquin, qui n'avait toujours pas répondu à mes questions, dont le point central n'était autre qu'Alva Hennessy. Ne pouvait-il pas répondre ? Les poils de ma nuque se hérissèrent alors que la détonation me fit sursauter, tandis que la tête de l'opportun se faisait décorer d'une jolie fleur mortelle et que le chapeau melon quitta ce chef qui venait de se faire percer la couene.

Je me reculais d'un pas ou deux, franchement surprise, même si ce n'était pas la première fois que je voyais quelqu'un mourir. D'une arme à feu... Peut-être. Mais c'était plus le bruit et la soudaineté de l'acte qui m'avait surprise Ce genre d'outil de mort n'était définitivement pas pour me plaire car la mort était invisible le temps de son cheminement. Certes, quand je venais la donner avec mes ombres, elle était tout autant invisible, mais elle était moins directe qu'avec une arme à feu. Et puis ce boucan ! J'avais encore l'oreille qui sifflait !

J'allais répliquer quelque chose de bien senti à cet indic d'Alva quand d'autres hommes firent leur apparition, de chaque côté de la ruelle dans laquelle nous nous trouvions. Qu'est-ce que c'était que ce guet-apens ? Si ce garçon n'avait pas tué de sang-froid cet homme, j'aurai presque pu penser qu'il m'avait conduite dans ce bourbier pour me rançonner. Cependant, il semblait surtout être le sujet de l'attention de ces voyous et je commençais tout doucement à songer que le type qui m'avait questionné toute à l'heure faisait parti de la même clique et que j'avais dérangé une petite opération qui se montait, en faisant le poireau devant la maison.

Mais qu'en était-il d'Alva dans toute cette histoire ? Pourquoi est-ce qu'elle était ressortie par derrière ? Etait-elle seulement ressortie par derrière ? Voyant que la situation dégénérait, le jeune homme se tourna vers moi pour m'inciter à me bouger les fesses, mais présenté d'une façon plus courtoise, encore qu'un peu pressante, ce qui pouvait se comprendre au regard du contexte. J'affichais un sourire hautain. Il avait dû voir la noirceur de mon regard, noirceur qui n'était pas que le reflet du maquillage dont je pouvais l'agrémenter.

« Tu n'as pas répondu à ma question, alors je n'en ferai rien. Est ce que tu me mens Bucky quand tu me dis que Alva est ressortie de l'autre côté ? »

Je croisais les bras. Je ne comptais pas bouger d'un pouce. Bon bien entendu, je ne comptais pas non plus me faire avoir bêtement, mais les hommes avançaient avec prudence vers nous, certainement peu désireux de prendre une balle. Cependant, ils arrivaient quand même, ce qui mettait encore un peu plus de pression sur nos épaules. Enfin sur les siennes, moi je pouvais toujours m'éclipser dans les ombres et le laisser se démerder tout seul comme le grand qu'il n'était pas mais qu'il était quand même.

« Tic tac, tic tac. »

Une fois que j'aurai une réponse qui pouvait me satisfaire, je ne resterai pas inactive. Soit j'irai chercher Alva en le laissant se faire trucider par toutes ces personnes, soit je l'aidais.