- Non. En réalité elle fût vexée que je résiste à ses charmes, bien que je reconnaisse que c’est une très belle femme. Néanmoins Nathaniel j’espère que vous ne vous amusez pas souvent à m’imaginer dans des situations… Sulfureuses.

Bien qu’Arthur fût presque curieux de savoir comme Calloway l’imaginait dans la chambre. Il n’allait pas demander, cela restait gênant de demander à un homme, qui n’était pas son ami, comment il l’imaginait au lit, juste pour savoir s’il le pensait coincer jusqu’ici. Il lui arrivait d’avoir des questions qui n’étaient pas vraiment socialement acceptables à cause de sa curiosité… Et donc très envie de se gifler pour remettre ses propres idées en place.

-Holmes a disparu, il faut bien que quelqu’un le remplace ici.

« En emmerdant Moran, par exemple. Au hasard. »

- Je ne pourrais pas me contenter d’écrire des aventures, j’ai besoin d’explorer.

Enfin, pas explorer des maisons closes. Ce n’était pas le type d’aventure qui l’enchantait, encore moins avec Nathaniel qui était déterminé à le gêner.

- Oh non, quel dommage, moi qui pensais en profiter mémoriser chaque parcelle de votre corps pour pouvoir vous peindre et exposer votre superbe personne au-dessus du canapé de mon salon. Cela aurait été du plus bel effet.

Le fait qu’il aurait, malgré lui, réellement mémoriser chaque partie de son corps jusqu’au moindre détail lui donnait envie de hurler. « Savoir observer est une malédiction. Et ouvrir sa bouche pour sortir des choses pareilles aussi. » Non, Arthur n’était pas une personne dramatique. Du tout. Plongé dans ces pensées pour le moins perturbantes, il fût ramené à la réalité par la courtisane qui défaisait le nœud de sa cravate. Il n’eût pas le temps de la prévenir, puisque Calloway lui expliqua la situation. Tandis qu’il remettait le vêtement en place, les deux femmes se regardèrent, puis celle près de l’écrivain finit par répondre, le visage soudainement plus pâle.

- Alors c’est vrai… ? On savait que certaines des filles disparaissaient, les rumeurs disaient qu’elles se sont faites assassinées, mais le patron nous certifiait qu’elles ont juste changées de bordel… Il nous a menti… Sûrement pour nous rassurer… Je n’ai rien vu de suspect, je ne remarque pas vraiment ce genre de choses…

Elle joua avec le collier qui ornait son cou, visiblement perturbée par la nouvelle. Arthur ne pu s’empêcher de poser une main qui se voulait rassurante sur le haut de son dos, lui offrant un sourire désolé lorsqu’elle leva son regard vers lui.

-Et elle a raison de vider ainsi le portefeuille de ces messieurs, néanmoins elle n’a pas besoin de me séduire, me demander est suffisant pour que je lui offre ce qu’elle demande. Heureux en tout cas de savoir que vous pratiquez une activité physique régulière, en tant qu’ancien étudiant en médecine je ne peux que vous encourager dans la voie du sport. Faites attention avec qui vous le pratiquez cependant, sinon il y a un autre type de spore qui risque de vous ennuyer.

« Hilarant, Arthur. »

Enthousiaste à l’idée de visiter Chicago, il ne remarqua pas – ou n’y prêta pas attention – au sourire séducteur de Nathaniel. L’écrivain tourna son regard vers son collègue, ne pouvant cacher que la proposition l’enchantait – il souriait avec sincérité.

- Vraiment ? J’en serai ravi, j’adore voyager.

C’était là l’un des avantages qu’il voyait à la Ligue… S’il oubliait que les meurtres le poursuivaient peu importe où il se rendait. Un peu effrayant, en y réfléchissant, peut-être devrait-il consulter un médium ou quelqu’un qui s’y connaissait en malédiction…

- Quel intérêt d’avoir un tableau de vous déjà peint, quand j’aurai pu vous observer, reproduire vos courbes au crayon puis au pinceau…

En réalité il ne touchait jamais au pinceau, et dessinait rarement. Ces pratiques n’étant pas associés à de bons souvenirs, il préférait s’en tenir à l’écriture. Arthur n’aurait de toute manière pas voulu voir son collègue nu ; pas que la nudité le dérange, mais les commentaires associés, si.

Puis, ils avaient du travail, là tout de suite. Ils allaient devoir laisser de côté la conversation sur la tenue d’Adam de Nathaniel pour le moment. Ou à tout jamais, c’était bien aussi. La prostituée que ce dernier a questionnée hoche la tête, avant de sortir de la salle et les guider dans les couloirs du bordel. « Couloirs de l’enfer ». L’écrivain essayait de faire abstraction de tous les bruits qu’ils pouvaient entendre, gémissements et halètements et craquements de lit et claquements de… « Pitié. » Ils prirent un escalier et se retrouvèrent sur un palier avec quelques chambres, et une porte plus à l’écart. Elle s’arrêta devant cette dernière, les regarda tour à tour, plein d’espoir dans les yeux, avant de repartir en bas chercher un autre client. Arthur ne perdit pas de temps et toqua à la porte, attendant que la voix grave réponde un « entrez » peu aimable pour l’ouvrir.

- Bonjour, nous aimerions vous poser quelques questions.

L’homme, qui semblait avoir la cinquantaine, les fixa avec froideur – un brin de méfiance, également. Le chasseur soutenait son regard, peu impressionné. Cela marchait sûrement avec de pauvres jeunes femmes, et des criminels peu courageux, mais le maquereau devait faire mieux que cela s’il voulait se montrer effrayant.  

- Vous êtes de la police ?

Naturellement, Arthur mentit.

- Non, de simples détectives. Nous ne travaillons pas avec la police, nous ne les apprécions pas vraiment voyez-vous. Nous sommes intrigués par quelques affaires sordides qui concernent les prostituées… Notre petit doigt nous dit que vous en savez quelque chose.

La froideur de l’homme disparu, tout comme le rouge à son visage.  

- Non j’en sais rien…

Arthur, le menteur, n’aimait pas les menteurs.

  Arthur lui avait dit qu’il le contacterait seulement s’il lui promettait de poser nu sans aucun sous-entendu. Il voulait faire cela pour l’art ; s’il pouvait reconnaitre la beauté d’un corps, il ne provoquait rien en lui quand il n’y avait pas de sentiments profonds – « et on parle bien de sentiments ». Sinon, il connaissait différemment moyens peu plaisants pour calmer ses ardeurs. Plus tard en tout cas, la discussion, car maintenant ils travaillaient.

Il ne savait pas si Nathaniel bluffait, s’il avait des informations qu’il n’avait pas, ou simplement avait déduit comme lui que quelque chose de terrible se tramait ; il ne montra aucune émotion. Même lorsque son collègue continua sur un ton glacial, qu’il parle ainsi ne le choquait pas. C’était utile, et nécessaire. Lui-même bouillonnait intérieurement. Cela ne se voyait pas sur son visage neutre, sauf si l’on faisait attention à son regard, et si on le connaissait assez pour voir sa mâchoire contractée. Cela marchait en tout cas très bien sur le type - « lâche » -, qui les regardait tour à tour, avant de décider que le mieux pour lui était de prendre la fuite. Le chasseur s’en était aperçu rapidement, ne perdant pas de temps pour lui barrer la route de son bras. Il l’atteignit à la gorge, puis le poussa violemment à terre, avant de le clouer au sol d’un genou appuyé peu délicatement sur son torse.

- C’était une promesse, l’interrogatoire musclé.

- Putain ! D’accord ! J'vais vous donner le nom, mais avant lâchez moi !

En réponse, Arthur enfonça un peu plus son genou contre ses côtes, un sourire « innocent » aux lèvres. Il s’en fichait bien de ce que Nathaniel pouvait penser de lui à ce moment-là ; ce n’était rien comparé à ce qu’il souhaitait faire à cet homme.

- Oh vraiment désolé… je comprends seulement quand on répond à ce que l’on demande.

- Clifford ! Son nom de famille c’est Clifford, j’ai pas son prénom ! Il a dit que c’est un noble, il organise des fêtes dans sa grande maison où toutes les filles se promènent nues ou en lingerie ! Je sais pas ce qu’il y fait d’autre !

Le chasseur observa attentivement son visage puis, décidant qu’il ne mentait pas, se releva mais resta près de lui. Il n’allait pas laisser partir aisément son gibier s’il y avait d’autres questions à poser.

La désinvolture de Nathaniel n’était guère étonnante. Cela faisait partie du personnage, et Arthur pourrait trouver cela amusant s’il n’en était pas victime quelquefois – quoiqu’il rendît bien la pareille à son nouveau collègue. L’écrivain était un grand adepte de la mauvaise foi. Son regard gris croisa celui de l’autre homme, comprenant que lui non plus n’avait jamais entendu ce nom. Malgré toutes ses recherches quasi-quotidiennes, animées par son envie de se tenir au courant des dernières nouvelles, il était difficile de savoir tout ce qui se tramait dans Londres.

- Non je pense pas que c’est étrange, si vous avez pas remarqué on n’est pas dans un quartier bourgeois ici. Je vois beaucoup de trucs tous les jours. Ouais il les achète, ce sont celles qui font le moins de clients donc il leur trouve une utilité… Par contre non je sais pas où est son manoir, c’est lui qui vient les cher-

- Mensonge.

L’homme pali et le fixa, visiblement peu enthousiaste à l’idée de se faire jeter à terre. Il les regarda tour à tour, semblant peser le pour et le contre, avant de se diriger vers son bureau.

- Je sais vraiment pas qui vous êtes vous deux mais on devrait pas vous laisser en liberté… Je vais vous écrire l’adresse, mais dites pas que c’est moi qui vous l’ai donné ? J’ai pas envie qu’on m’égorge moi aussi…

Arthur se retint de lui dire qu’il le méritait – son sourire le fit pour lui -, et saisit le morceau de papier pour le lire avant de l’offrir à Nathaniel avec plus de délicatesse. Il sortit de la pièce, heureux que ce petit entretien soit terminé, ne pouvant s’empêcher de se mordre nerveusement les lèvres jusqu’à avoir un gout métallique sur la langue. La colère passée, laissant place à l’anxiété, il fût honteux de son comportement et jeta un regard à son acolyte pour tenter de déceler du jugement sur son visage. Il décida finalement qu’il valait mieux se dépêcher de régler cette histoire plutôt que prendre le temps de se poser ce genre de questions.

- Allons-nous nous y rendre directement, en nous faisant passer pour des nouveaux intéressés par… Le… Spectacle qu’offre le manoir, ou bien enquêtons-nous dans d’autres maisons closes avant ?

Arthur hocha la tête, puis ne put retenir la moue blasée à l’égard de son collègue, lorsque ce dernier insulte ses vêtements. Puis cette moue se transforma en expression dédaigneuse, visiblement exagérée, alors qu’il croisa les bras et leva le menton.

-Je préfère la praticité au luxe et, vous serez sans doute d’accord avec moi, déchirer un bel habit lors d’une course-poursuite ou d’une bagarre serait bien triste… Ah non c’est vrai, vous ne pouvez pas savoir vous venez d’arriver à la Ligue. Faites attention, se faire arracher les vêtements c’est moins amusant lorsqu’il y a du sang.

En guise de point final, il imita le fameux sourire mutin de Nathaniel. Il n’était pas tellement vexé par son commentaire sur ses vêtements, pas vraiment non plus sur le fait qu’il allait devoir jouer le rôle du valet. Arthur aimait seulement rendre les taquineries de l’autre homme, afin d’avoir le dernier mot, têtu qu’il était.

- Bien, je serais votre valet pour ce soir. Je préfère cela que jouer le rôle d’un riche libidineux aux tendances sadiques.

L’insulte n’était cette fois pas destinée à l’avocat. Bien qu’il n’appréciât ses frivolités, Arthur reconnaissait les qualités de Nathaniel, et n’en voyait aucune à tous ces hommes qu’ils allaient rencontrer au manoir Clifford. Il se mit en route sans perdre davantage de temps, préférant régler cette histoire au plus vite.

- Si je ne trompe pas, et je me trompe que très rarement, ce n’est pas si loin d’ici. Une demi-heure de marche, ce n’est rien… Non. Jouons le rôle jusqu’au bout, n’est-ce pas ?

Il arrêta un cab qui passait dans la rue, ouvrit la porte pour laisser entrer Nathaniel puis le suivit à l’intérieur après avoir donné l’adresse au cocher. Arthur posa sa valise à ses pieds et joua nerveusement avec ses manches alors qu’elles n’avaient pas besoin d’être replacées, tout en se mordant les lèvres, tentant de maitriser ses pensées vagabondes.

- Cela aura l’air plus sérieux, et moins suspect que de venir à pied puisque nous donnerons l’impression de venir d’assez loin… Plus rapide aussi. Cela nous laisse le temps de planifier. Que faisons-nous, vous allez distraire tandis que j’enquête dans les caves sombres et effrayantes du manoir, où se passe tout le « spectacle » ? Ou vous gagnez leur confiance et ils nous y guideront ?