Jon Henry Halley

Portrait à la une de l'édition du Daily Express de ce jour :


Descendant direct, dit-on, d'un certain Edmond Halley, homme de science anglais du XVIIeme siècle, à qui l'on doit le calcul presque exact de la périodicité de la comète à qui il a donné son nom, cet entrepreneur qui vient d'installer sa maison mère à Londres dans les quartiers industriels de Battersea & Clapham, dans un imposant entrepôt en cours de rénovation, a promis qu'il donnerait du travail à un millier d'ouvriers ! Excusez du peu ! L'émoi londonien est de circonstance, et il se chuchote même dans les couloirs du palais que la reine a fait mander son fils Édouard pour approcher l'industriel et sonder ses intentions.

Ses intentions, les voilà, communiquées dans une tribune chez nos confrères, il affirme vouloir apporter de la concurrence dans une Europe réduite à profiter d'un seul homme, qu'il ne nommerait point.

Histoire d'une réussite :

Les États-Unis. Une terre où tout est possible, tout est réalisable, à qui s'en donne les moyens. C'est sans doute cet esprit là qu'il a ramené de là bas, alors qu'il est venu s'installer à Londres pour faire fructifier ses affaires. Jon Halley est l'exemple typique de ce que les américains appellent un self made men.
Fils d'un père et d'une mère anglaise partis chercher la fortune outre atlantique, et qui ne l'a pas trouvée jusque dans les terres glacées du Klondike où les pépites d'or étaient, parait-il, aussi grosse qu'un œuf d'autruche, Jon Halley s'est construit dans la misère et le dénuement le plus total, dans la ville de Seattle après être revenu d'Alaska malade et affaibli.
C'est là qu'il apprend les rudiments scolaires, avant de se passionner pour l'aéronautisme et la technologie en générale. Brillant à l'école, il ne manque pas de décrocher des prix, que ses parents utilisent pour subvenir à leur besoin en plus des petits boulots qu'ils réalisent ici et là pour maintenir la famille à flot.
Autodidacte, il commence à réfléchir à ses inventions dans son lit le soir, rêvant d'apporter sa touche dans différents domaines de la vie. Fasciné par tout ce qui peut voler, il se prend à rêver de construire ses propres modèles de ballons, et autres zeppelins, poussant sa réflexion jusqu'à élaborer des croquis et des schémas de bateau capable de naviguer sur les nuages et de caresser les étoiles.
C'est véritablement avec sa femme, Simone Johanna Halley qu'il monte sa firme dans la ville de Seattle qu'il n'a plus quitté depuis son enfance. Sans son épouse, admit-il dans une interview parut chez nos confrères du Seattle Tribune il y a quelques années, il ne serait pas à la tête d'une industrie aussi florissante. Le logo estampillant toutes ses créations, une comète lancée à toute vitesse emprisonnant un "H" à l'image de son entreprise, est devenu sans conteste une marque de qualité sur la côte ouest des États-Unis d'Amérique.

Lui l'inventeur, elle la testeuse :

Simone était la seule personne à qui il confiait ses aéronefs pour les essais, et pour les démonstrations. Une grande confiance régnait dans le couple pour qu'il en soit ainsi, et leur collaboration dura ainsi pendant des années, devenant même un sujet de communication pour les ventes qui suivaient. Le 03 août 1892, son épouse décédait tragiquement dans le crash d'un dirigeable novateur, dont il dira qu'il avait été saboté avant l'essai, refusant d'admettre qu'il était probablement à l'origine du drame. La preuve ne fut jamais avancée, étant le seul à détenir les plans de ses machines avant d'en transmettre les procédés de fabrication à son usine sous forme industrielle et normalisée, il était impossible de savoir s'il disait vrai ou non malgré les enquêtes. L'opinion quant à elle, fantasma sur différentes théories, dont aucune n'a jusqu'à ce jour où paraît ce portrait, était démontrée, mais qui participa largement à faire de l'image de Jon Halley celle qu'elle était aujourd'hui, entourée de mystère, d’ésotérisme, de projet savant fou, de conspiration et de complotisme.

Le côté sombre du personnage :

On dit de Jon Halley qu'il est obnubilé par la mort et qu'il s'est mis en tête d'en résoudre, si ce n'est les mystères, au moins son côté définitif. Des rumeurs circulent sur un projet ambitieux utilisant des procédés technologiques révolutionnaires permettant de remplacer des parties du corps humains par des pièces robotisées, un peu comme lorsqu'on répare notre automate abîmé. Si tout cela n'est pas formellement attesté par des sources fiables, ces bruits de couloirs participent au portrait qui est fait de ce personnage plein de secrets, très discret, bien que fatalement public.
Cette fascination pour le morbide viendrait de son enfance, où malade, il aurait frôlé de près la mort, ainsi que du décès prématuré de son épouse, Simone Johanna Halley. Cet évènement tragique lui ôta le goût d'entreprendre pendant presque cinq ans, pendant lesquels son industrie continua de produire des véhicules à vapeur pour d'autres grandes firmes de l'import export. L'homme avait changé. D'un naturel jovial et souriant, il était devenu une pâle copie de lui-même, motivé par des ambitions dont il ne partageait rien et qui laissaient sa mâchoire rigide.
Comme évoqué plus haut dans cet article, la mort de son épouse fut le sujet d'énormément de spéculations dans l'opinion public. Certains disaient que cet accident n'en était pas un, et qu'un divorce se profilait. D'autres arguaient qu'il s'agissait d'une prise de pouvoir pleine en entière de la Halley Corporation suite à des divergences d'opinions. Ils y avaient ceux qui pensaient que c'était effectivement un sabotage de l'état qui s'était vu refusé le développement d'un projet militaire secret, d'autres au contraire pensaient que ce projet militaire avait bel et bien existé et que Simone en avait payé les pots cassés. Il se murmurait parfois qu'elle n'était finalement pas morte, qu'il avait réussi à la transformer en "quelque chose", et que cet accident était un camouflage habile pour la garder à l'abri, mais plus nombreux étaient ceux qui pensaient qu'en voulant mener ses expériences sur le corps humains, il avait tout bonnement tué sa femme, et que cet accident maquillait son horrible méfait. Bref, toutes sortes de théories émergeaient du chapeau chaque nouvelle semaine qui suivit l'accident, contribuant à laisser l'inventeur sur le devant de la scène, dans les journaux en tout cas. Au bout de quelques temps pourtant, l'affaire se tassa, et le monde continua d'avancer, face à l'éternelle discrétion de celui qui détenait sûrement la vérité sur la mort de sa femme,

Il revint brièvement sur le devant de la scène en 1896 quand il fut soupçonné du meurtre d'un certain Warren Bigsby, contremaître dans son usine de Seattle depuis plus de dix ans. Le caractère sauvage de l'assassinat a laissé penser aux bonnes gens qu'il s'agissait là d'un règlement de compte qui venait solder cette affaire de sabotage (envolées les idées saugrenues !). Malgré les charges qui semblaient peser contre lui, Halley a fini par être disculpé au cours d'un procès retentissant au cours duquel on tenta de démontrer qu'il était un homme sanguinaire, impitoyable, qui ne laissait rien au hasard quand il s'agissait de couvrir ses traces, et qui n'hésitait pas à s'impliquer lui-même jusqu'aux manches quand il fallait faire taire quelqu'un. Alors que tout le monde le voyait condamné, le procès se solda par un non lieu qui fit scandale, faute de preuves, fautes de témoins directs, alimentant une nouvelle fois les fantasmes de tout à chacun sur la probable corruption de la justice et sur cette homme dont aucun employé n'avait à se plaindre.

C'est pendant cette période sombre où il porta son deuil qu'il diversifia les activités de son entreprise, bien décidé à toucher plusieurs secteur de la vie économique de monsieur et madame tout le monde. A l'issu de ces cinq années de silence, de distance avec le monde, il lança sa propre chaîne d'automates et de robots, dont les fonctionnalités et la technicité étaient sans cesse en train d'évoluer. Utilisant les process d'offre et de demande, il commercialisa des quantités limitées de certains de ses produits les plus spectaculaires, afin d'en faire grimper les prix et de rendre ses investissements lucratifs et profitables.

Vous l'avez compris, Jon Halley est un industriel de génie doublé d'un homme au sens des affaires hors du commun. Beaucoup voit d'un bon œil cette expansion vers la vieille Europe, même s'il ramène avec lui nombre de fantasmes qui lui collent à l'étiquette, participant à faire de lui un être qui sort de l'ordinaire, dont la vie est souvent menacée par quelques fanatiques religieux qui voient en lui et dans ses projets, une personnification du diable.

Tiendra-t-il sa promesse d'embaucher un millier de salariés dans cette usine qui est en pleine rénovation ? Sera-t-il un acteur prenant de la vie politique et mondaine de Londres ? Que vient-il développer dans notre capitale ? Pour répondre à toutes ces questions, et à bien d'autres encore, guettez l'arrivée prochaine de notre interview de cet homme mystérieux.