breathe - you'll find yourself again (+ Tomoe)

« En effet, entre gens de la Ligue. » dit-elle pour recadrer directement comprenant bien que le "nous" de Lucian n'englobait qu'elle et lui. Elle commençait à le connaître assez pour savoir comment il fonctionnait celui-là.

Elle pouvait comprendre, après avoir côtoyé un petit peu Cailean depuis ce matin, que ce dernier était légitimement angoissé à l'idée d'aller se confronter à des créatures magiques. Après tout, c'était comme s'il ne savait pas nagé et qu'elle le lançait au milieu de la rivière en lui hurlant : "bas des pieds ça va bien se passer !"
Sauf que là, elle y allait avec lui, dans la rivière, et tout se passerait bien, elle en était certaine.

La jeune femme pas si jeune que ça poussa un soupir devant la nouvelle réplique du Mizuchi. Il n'aimait pas la faiblesse. Elle non plus, mais dans le cas présent, c'était différent, même si le gamin n'y mettait pas beaucoup de sien, sauf pour se plaindre et s'excuser. Cependant, il avait un potentiel énorme, comme il avait pu le montrer. Il devait aller au delà de son traumatisme pour renouer avec lui-même et avec son essence magique de sorcier.

Elle profita qu'ils soient de nouveau tous les deux - tout en se demandant où était Lucian - pour essayer de dédramatiser quelque peu :

« Alors Cailean-san, je vous propose quelque chose. Restez en retrait derrière nous, et observez. Prenez vos marques, essayez de comprendre comment ces créatures fonctionnent, comment elles se déplacent, comment elles attaquent. Essayer de tirer quelque chose de la journée, un enseignement, un renseignement, quelque chose qui fait que ce soir, en vous couchant, vous pourrez vous dire : j'ai appris quelque chose aujourd'hui, une journée qui n'est pas perdue. D'accord ? Je ne peux pas vous forcer, je n'en ai pas le droit, et je ne le veux pas, car la solution, c'est vous qui l'avez. »

Elle lui tapota de son index sur le torse, restant à disposition pour discuter s'il le voulait, avant que Lucian ne revienne avec du matériel et des vêtements secs. Pour sa part, elle était toujours trempée de leur péripétie, mais elle s'en moquait un peu. Il faisait chaud et grand soleil, c'était presque agréable. Presque, parce que la robe pesait un tonneau, et elle mettrait certainement des heures à sécher totalement. Enfin qu'importe. Elle n'avait pas le même problème que le dragon en ce qui concernait son hygiène et son look. Son novice était un peu un de ces hommes modernes, précieux de leur apparence et de leur odeur. Cela l'amusait un peu, elle le reconnaissait, elle qui était plutôt une paysanne venue d'un pays d’arriérés à côté des nobliaux anglais. Ils étaient trop vermoulus et ramollis, à son sens.

« Et bien voilà, avec tout ça, je pourrai même vous envoyer une goule sans bras pour que vous vous exerciez, si ça vous dit bien entendu. » Il serait équipé, protégé, et déjà, sans les bras, la goule serait bien moins dangereuse. Il fallait qu'il s'amuse aussi le petit quand même !

Elle fut ravie en tout cas des conseils de Lucian, qui faisaient écho aux siens. Comme quoi, quand il voulait, il pouvait ne pas être trop taquin, et faire preuve de bon sens.

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Tomoe acquiesça. Oui, c'était une bonne leçon déjà pour aujourd'hui. Même s'il n'avait pas progressé d'un iota sur l'utilisation consciente de son pouvoir, ce dernier était bel et bien présent, et sujet à ses humeurs et à ses émotions. Le blocage était donc certainement émotionnel, et il était frustrant pour la nippone de ne pas arriver à le lever. Elle savait aussi qu'elle ne pouvait rien y faire seule, et que s'il n'y mettait pas de bonne volonté, elle ne pourrait rien pour lui. C'était le propre de l'élève de prouver qu'il voulait avancer. Le professeur lui, devait lui permettre de le faire et de l'accompagner. Elle espérait au moins lui donner ces deux choses là aujourd'hui.

En l'envoyant se frotter à des goules, elle lui proposait un cadre inédit pour exprimer son talent, qui n'était pas caché, mais bloqué.

« C'est une bonne chose déjà, de se rendre compte que tout n'est pas perdu avec votre pouvoir, Cailean-san. La journée sera encore riche en enseignements, je n'en doute pas. »

Elle était réputée pour être un maître assez dur et intransigeant, qui demandait beaucoup et qui donnait peu. Cela était purement une vision très nippone des choses, qui fonctionnait bien dans son pays, même si elle se rendait compte que les anglais n'y étaient pas très réceptifs... Pour le peu d'élèves qu'elle avait essayé d'éduquer au sabre, elle s'en était vite rendu compte. Seul un avait tenu le choc, mais il avait un esprit de guerrier. C'était donc normal.

L'idée d'envoyer une goule sans bras à Cailean semblait bonne à Tomoe. Peut-être même que si elle ajustait bien son coup, elle pourrait sectionner la mâchoire inférieure pour l'empêcher de mordre ? Mais bon, elle avait plus de chance de lui faire sauter la moitié du crane que de couper net avec autant de précision, et il serait risqué de l'immobiliser pour lui refaire le portrait plus précisément. Non, il allait devoir se contenter d'un adversaire manchot, ce serait déjà suffisant.

Cailean n'était pas sûr de lui. Il n'avait pas un esprit guerrier ni pratique. Tomoe connaissait des jeunes qui auraient sauté sur l'occasion et qui auraient même râlé de devoir affronter un monstre sans bras. Mais il ne fallait pas aller trop vite non plus. La remarque de Lucian la laissa de marbre, mais elle trouvait qu'il déconnait un peu à vouloir l'humilier. Décidément, ça allait être compliqué à gérer.

« Ne l'écoutez pas, Cailean. » fit Tomoe en opinant du chef.

La petite troupe se mit en route pour trouver les goules qui rodaient dans les environs. Il fallait s'assurer de s'en débarrasser une bonne fois pour tout. Cela préserverait les promeneurs d'une attaque éventuelle et donc de la prolifération de ce genre de monstre répugnant.

Il ne fallut pas longtemps pour en trouver. Lucian qui marchait devant signala quatre goules qui déambulaient en contrebas. Forcément, c'était l'occasion pour lui de taquiner encore le petit sorcier. Tomoe avait l'image du jeune homme en train de courir entre les monstres qui essayaient de l'attraper. C'était presque amusant, mais elle n'était pas du genre à rire des autres. Elle prit les devants pour éviter qu'il ne panique.

« Tenons nous en à lui envoyer une goule sans bras. D'ailleurs Cailean, profitez pour observer un peu ces créatures depuis cette position. On va les neutraliser puis on vous en laissera une. Comme ça, vous avez le temps d'observer comme vous le vouliez. »

Mais il aurait quand même le droit à sa goule, il n'y avait pas de raison. Quant à les faire sortir de terre, Tomoe eut un petit sourire espiègle qui n'était pas courant. Elle avait une idée, en effet, déduite de l'image qu'elle avait eu du sorcier suite à la remarque de Lucian.

« Je vais les faire sortir de terre. »

Elle se transforma en renard tout blanc et tout soyeux, laissant ses vêtements derrières elle puis elle dévala la pente en courant à toute allure. Cet appât de viande fraîche allait invariablement attirer les goules planquées ou qu'ils ne voyaient pas depuis leur position. Le tout était de ne pas se faire attraper, mais elle comptait sur son agilité et sa petite taille pour ça. Ses sept queues en panache et qui s'agitaient faisaient office de leurre et d'appât en même temps, et rapidement, plusieurs goules se joignirent aux autres qui essayaient d'attraper ce steak poilu qui semblait s'amuser comme un petit fou en slalomant et en frôlant les créatures.

Parfois, son côté gamin prenait le dessus. Surtout quand elle s'amusait comme ça.

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Les goules, voraces de nature, montraient leur nez depuis que Tomoe s’amusait à slalomer entre elles. Il y en avait de toutes sortes : des mieux conservées à celles qui s’étaient bien faites attaquer par leurs congénères avant de revenir à la vie. Si tant est qu’elles mourraient avant… Tomoe n’en savait fichtrement rien, mais son petit odorat de renard était agressé par les chairs putrides qui se promenaient ici. Les monstres grognaient, râlaient, s’agitaient dans une cacophonie qui n’avait rien de comique pour le commun des mortels. Tomber sur ce genre d’êtres au détour d’un chemin ne devait pas arriver. Les gens avaient le droit de profiter de la nature sans danger. Du moins, sans danger de ce type. La Ligue n’avait pas vocation à écarter les nids de guêpes et autres gibiers agressifs qui pouvaient se trouver dans la campagne.  

L’odeur ferreuse du sang alerta Tomoe qui revint sur ses pas, voyant Lucian découper plus spécifiquement les goules. Il devait s’impatienter là-haut. Un peu délivrée de leur chasse, la renarde se posa sur son arrière train, pour observer les environs. Il avait eu le bon sens de laisser Cailean en sécurité en haut de la butte. L’espace d’un instant, en le voyant en bas, l’idée qu’il l'avait emporté avec lui, lui avait traversé l’esprit jusqu’à la faire frissonner. Parfois, le Mizuchi avait des comportements un peu limites, et il le prouvait depuis toute à l’heure en s’en prenant au jeune homme de façon un peu humiliante.

Il portait son sabre, certainement pour lui rendre s’il lui prenait l’envie de reprendre forme humaine, mais elle ne pouvait pas se permettre de faire cela tout de suite. Elle n’avait pas réfléchi, mais si elle redevenait normale, elle serait nue… Et sa pudeur naturelle la conduisait à ne pas imposer cette vision au jeune homme, ni à Lucian d’ailleurs.

Elle s’élança, boulant deux trois goules en passant par des lames d’air, les envoyant promener un peu plus loin dans les buissons. Elle remontait la pente pour aller récupérer ses affaires, pas très inquiète pour Lucian qui devait se promener au milieu de ces cadavres décharnés.

Cailean observait, avec son glaive contre lui. Alors qu’elle était presque en haut de la pente, elle la vit… L’espèce de goule qui ne semblait plus avoir de jambes. Mais non, elle les avait juste rognés jusqu’aux rotules, et elle rampait avec avidité vers le petit sorcier. L’avait-il entendu ?!

Tomoe reprit forme humaine en courant, essayant d’avertir le jeune homme :

« Cailean !! Sur votre droite !! » braya-t-elle en montrant du doigt la goule qui était encore à quelques mètres, mais trop proche pour qu’elle puisse y faire quoique ce soit, même si elle préparait déjà une illusion censée berner la créature pour qu’elle ne s’en prenne pas au jeune homme, mais y serait-elle sensible ?

S’il fuyait déjà dans l’autre sens, cela lui donnerait un peu de temps pour intervenir. Il n’y avait plus qu’à espérer que l’instinct de survie du jeune homme soit plus grand que sa concupiscence à voir une femme nue courir vers lui.

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