Amelia, petit oiseau au cœur d'or

Amélia est sortie du nid plus vite qu’on ne l’attendait. Petit oisillon chétif, les phénix qui veillaient sur elle eurent bien peur de la perdre avant qu’elle n’ait le temps d’achever sa première vie.
Mais aussi petit et faible que fût l’oisillon, elle n’en était que plus combative et déterminée à vivre et renaître.
Elle reçut le prénom Eos.

Elle passa ses 400 premières années au nid, écoutant avec curiosité les récits de ceux qui revenaient du reste du monde. Ils n’étaient pas nombreux mais les récits de leurs voyages et de leurs vies parmi les humains auraient pu remplir le ciel de rêves et d'aventures pour la jeune phénix qu’elle était.

Si bien, qu’après sa deuxième renaissance, elle décida d’aller découvrir ce monde par elle-même et ceci avec la bénédiction des siens.

En 1503, elle fait la connaissance de Léonard de Vinci à Florence, alors qu’il est ingénieur de Guerre pour le prince César Borgia. Découvrant avec admiration l’ampleur de son génie, elle décide de se mettre à son service et de l’accompagner afin de faciliter sa vie et ses travaux.
En 1505, grâce à quelques suggestions d’Amélia, qui utilisait à l’époque le prénom de Alienor, Leonard se lance dans la rédaction du codex de Turin, plus connu sous le nom du codex sur le vol des oiseaux.

Elle le suit dans tous ses voyages, devenant la muse et non l’épouse du savant. De 1516 à 1519 Leonard de Vinci travaille pour François 1er qui lui offre l’hospitalité au Clos Lucé et lui dit   « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler », c’est ainsi qu’il termina sa vie et pour Amélia, l’accompagnement du premier humain dont elle s’était entichée,comme elle aime à dire.

La perte de Leonard fut un coup dur pour la jeune phénix. Bien qu’elle en soit à sa troisième vie, c’était la première fois qu’elle perdait quelqu’un à qui elle tenait, sans retour possible. La mort était certes quelque chose qu’elle acceptait comme une nécessité de ce monde et la conclusion logique d’une vie, mais elle découvrait le manque que cela pouvait engendrer.

Grâce à ses liens avec Leonard, Aliénor (son prénom de l’époque), fut introduite à la cour de François 1er qui était le mécène de son ancien mentor.

Elle y vécut discrètement et suivit avec curiosité l’engouement naissant du souverain pour des terres nouvelles qu’il nomma bientôt Canada.
Les années commençant à passer, elle dû se faire oublier et déménagea dans un port de France, se fabriquant une nouvelle identité sous le prénom de Ellinor.
Elle continua à suivre de loin les avancées de la conquête de ces nouvelles terres par la France alors qu’elle travaillait pour un horloger aux créations originales.

Elle profita de la fondation d’une colonie à Québec pour voguer vers une nouvelle vie en 1620. Elle apporta ses quelques savoirs et son ingéniosité pour faire grandir et prospérer cette nouvelle France dont Champlain et Richelieu se font les co-dirigeant via la compagnie des Cent-Associés.
Elle se fait embaucher dans la maisonnée de Champlain où elle est aux premières loges pour suivre le futur de ces nouvelles colonies.

En 1629, la ville est assiégée par les anglais et peu à peu la famine s’installe. Rapidement, Amélia sacrifie sa ration au profit de plus faibles, mais elle dépérit bien vite et s’isole en sentant la mort venir.
Son témoin vint la chercher et la ramena au nid pour sa troisième renaissance.

Elle décida de séjourner au nid pendant un temps, profitant de voler librement en essayant d’oublier la misère et la cruauté dont elle avait été le témoin.
Essayant d’oublier un sacrifice vain, n’ayant pas eu la possibilité d’apporter son aide plus de quelques jours aux pauvres victimes de la chute de Québec.

Elle finit par s’ennuyer, s’ennuyer de ces terres nouvelles, de ces lieux à explorer, s’ennuyer de ces hommes et ces femmes pleins de courage et d’ingéniosité.

C’est au début du XIXe siècle qu’elle décide de retourner sur Terre, en Amérique, cette terre où il reste tant à découvrir. Elle y participe à ce qui fut appelé par la suite la conquête de l’Ouest.
Les nouvelles inventions pour faciliter les transports; la construction de nouvelles villes; les avancées de la médecine sur le terrain au milieu de nulle part, tout cela la passionne.
Tant d’épreuves dans la vie des hommes les menant à rêver, improviser et inventer sans cesse.
Elle s’est vite trouvé des compagnons de voyage et alors qu’ils explorent une rivière rocailleuse dans les forêts de l’ouest, ils découvrent de l’Or. Et bientôt, le rêve d’aventure se transforme en bain de sang et guerre fratricide.
Donner une richesse à l’homme et il détruira son prochain.

Malgré ses tentatives pour trouver des solutions pacifiques à ce qui oppose américains et amérindiens, à ce qui oppose telle société à tel groupe de villageois ayant eu la chance de découvrir le métal précieux sur les terres où ils s’étaient établis.
Malgré ces efforts, elle dut vite se rendre compte qu’une seule créature, aussi magique fût-elle, ne pouvait changer la nature des hommes.

Elle choisit alors de quitter l’ouest pour le centre des Etats-Unis et s’établit au Kansas, prenant une nouvelle identité, celle de Amélia Mary Earhart.
Elle s'investit dans ce qui lui avait le plus réussi au début de sa vie parmi les humains: les savants et les inventions.
Elle fit la connaissance d’un groupe de passionnés d'aéronefs qui travaillent sur des prototypes d’engins volants, certains farfelus, certains tout à fait prometteurs.
Mais cette fois, elle ne se contente pas d’inspirer et d'épauler ces hommes à l’imagination fertile, non, cette fois elle participe activement.
Elle devient l’une des premières femmes à obtenir son brevet de pilote et à battre des records de distance parcourue et de vitesse. Elle acquiert une petite renommée dans son pays et dans le milieu de l’aéronautique sans toutefois devenir une de ces stars qui firent la une des journaux.

Bientôt, les rumeurs des inventions et du bouillonnement scientifique de l’ancien monde lui donnent envie de fouler à nouveau les terres d’Europe.
Elle revint donc, d’abord en France en 1897, découvrant avec intérêt les changements qui ont marqué ce pays.
Aujourd’hui, c’est vers l’Angleterre que se tourne son regard. Anastasis lui a dit que la vie de Londres était trépidante et que la ville comptait nombre d’inventeurs et de penseurs et elle a bien senti dans sa voix que quelque chose n’allait pas. Elle fait donc ses bagages pour retrouver son ami et pour voir ce qu’elle pouvait y faire.

Grâce à l’expérience acquise auprès de ses pairs aux Etats-Unis, elle est introduite auprès des patrons de l’entreprise Moxon qui prévoit pour bientôt le vol inaugural de son tout nouveau modèle.

Toutefois, les dirigeants britanniques de cette société n’étant pas des plus ouvert d’esprit quand à la place d’une femme, ils lui refusent les postes de pilotes ou de mécaniciens.
Néanmoins, ils apprécient le charme naturel et les connaissances de leur interlocutrice et lui proposent d’être le guide lors de cet événement qu’ils espèrent mémorable.

Se voir proposer un tel poste ne la réjouit pas vraiment, mais comme il semble que ce soit le seul moyen pour elle de pouvoir approcher les moteurs et les nouveautés de ce bijou de technologie, elle accepte en se promettant de repartir ensuite dans son pays auprès d’un public plus à même de croire en elle et en ses compétences.